[Elfe] Cyrion

Il y a presque un millénaire de cela, dans le paisible village de Mu'Oren, bâti au sein même d'une forêt du nord du territoire elfique, avait lieu la troisième édition d'un petit festival ayant pour thème la magie. Ainsi toutes les cinq années, de nombreux mages, exclusivement Elfes, venaient y mettre en oeuvre leurs découvertes, leurs innovations,... bref, toute avancée dans le domaine de la magie y était exposée. Que ce soient des sorts de soin, de charme, de défense ou d'attaque qu'ils incantent, tous les protagonistes s'en donnent à coeur joie afin d'obtenir à la fin un prix devenu par la force des choses une marque de prestige dans le cadre restreint des mages Elfes. Cette année, ce fut un jeune mage à vocation offensive, du nom de Cael Eth'Melui qui décrocha ce prix : ses projectiles magiques, boules glacées et autres sorts de confusion séduisirent l'assemblée. Et comme d'habitude ce festival se terminait par un gala composé par des illusionnistes. Le couple Ry'Emar'Thi s'en était chargé de la façon la plus belle, époustouflant l'assistance de par la beauté du décor représenté et surtout de par l'heureux évènement qui clôturait une édition qui ne serait pas oubliée de si tôt.

Ce gala commença au soir, lorsque la nuit fut tombée. Lorsque l'on fit signe qu'il allait sous peu débuter, tout le monde attendit en silence. Une lueur bleue apparut au loin, dans la forêt. Elle s'approchait, et on distinguait une sorte de cône bleu. Puis elle disparut soudainement tandis qu'une sorte de neige fictive tombait. Les regards étaient tous tournés vers le ciel alors que la lueur bleue réapparut dans la clairière, formant progressivement la plus somptueuse des fontaines possibles. Il s'agissait d'ailleurs de la fontaine principale de Heine, dans ses moindres détails. Une eau aussi pure que celle entourant l'Arbre-Mère semblait y couler et personne ne pouvait imaginer qu'il s'agissait là d'une illusion tellement cela paraissait réel. Cette fontaine fut rejointe par Kelcius et Glendolin de leurs prénoms, et les applaudissements fusèrent. Mais la stupéfaction n'en était pas encore à son comble ; en effet le couple s'écarta et un escalier d'ivoire se dessinait peu à peu, semblant aller jusqu'à atteindre le sommet de la fontaine, où apparut cette fois un magnifique landeau blanc et or. Le couple y monta accompagné d'un prêtre puis le silence fut demandé car Kelcius voulut prendre la parole.

"Chers confrères, j'espère sincèrement que nos illusions vous auront plues. Mais une chose ici est bien réelle, c'est ce landeau dans lequel notre enfant vous fait face. Ma femme et moi sommes émus de vous présenter notre petit Cyrion, né il y a tout juste une semaine. J'espère que ce que nous lui avons réservé aujourd'hui fut à la hauteur de l'événement. Je vais maintenant laisser la parole à Halfas, le prêtre du village."

Glendolin prit la main de son mari et les deux Elfes écoutèrent en souriant le prêtre Halfas.

"Bonsoir Cyrion Ry'Emar'Thi. Il y a une semaine la vie vous a été donnée, aujourd'hui il est temps de célébrer votre naissance. Soyez sûr que le peuple elfique vous souhaite de vivre des siècles de joie et de bonheur, et de connaître une réussite à tout niveau. Veuillez accepter ce présent... *lui entoure le cou d'un collier agrémenté d'une mystérieuse bille de cristal* Maintenant Cyrion, puisse Eva à jamais vous bénir."

Ainsi ce couple marqua les esprits. Il avait déjà participé aux précédentes éditions de ce festival, mais étant guérisseurs de leur état, il leur était difficile de batailler pour l'obtention du prix. Ce prix de toute façon n'était pas l'objectif pour les participants, l'important était de se rencontrer, de découvrir et de s'amuser. Cette année ne dérogea donc pas à la règle avec le beau final offert. Les talents d'illusionnistes du couple étaient jusque-là insoupçonnés. Ils retournèrent dans leur demeure en plein centre de Mu'Oren, et continuèrent leur profession de guérisseurs durant des années, des décennies, même des siècles...

Kelcius et Glendolin mirent tout en oeuvre pour que leur fils devienne à son tour un guérisseur de renom à Mu'Oren. Si bien que le jeune Elfe ne tarda pas à acquérir des connaissances certaines en magie blanche. Il aimait étudier et lire, ainsi la bibliothèque devint vite sa seconde habitation. A cause de l'influence permanente de ses parents, il ne s'intéressait qu'aux ouvrages se référant à la magie. Mais au fil du temps il commençait quand même à étudier le monde dans lequel il vivait. Bref, sa soif de connaissances lui permit de devenir un adolescent parfaitement éduqué, possédant une belle culture générale, et pouvant presque prétendre à la profession de guérisseur dès ses 90 ans, notamment grâce à la connaissance de la nature et du terrain acquises au cours de ses nombreuses ballades.

Mais bien évidemment, il était trop jeune et il le savait lui-même. Et la bibliothèque de Mu'Oren bientôt ne pourrait plus lui permettre de progresser. Il alla donc loger chez son oncle Edwaen de la capitale. Malgré la quantité d'ouvrages bien plus imposante dans cette cité, une lassitude s'installait. Le contexte avait bien changé... Ses parents n'étaient plus là pour l'influencer dans des ouvrages de magie - ils étaient d'ailleurs certains désormais que leur fils serait un grand guérisseur - et son oncle avait jadis été épéiste de relatif renom pour le compte de son peuple. Il lui racontait des tas d'histoires, et véridiques ou non, elles passionnaient Cyrion. Le jeune Elfe apprit très vite à se servir d'un arc, quand un jour Edwaen l'emmena à sa consigne personnelle. Il possédait trois fines épées, quelques arcs dagues et boucliers, et deux armures de mithril très légères.

"Allez Cyrion, choisis donc tout ce que tu veux, et si tu n'as pas peur on ira s'entraîner plus sérieusement tous les deux !"

Un peu émerveillé, Cyrion ne répondit pas et commençait à procéder par élimination. Si bien qu'à la fin il hésitait entre deux lames aussi belles que fines et une dague de cristal courte, très maniable et légère, tranchante à souhaits. Mais soudainement il repensa aux histoires contées par son oncle, et son seul désir sur le moment était d'un jour avoir la chance de raconter de telles choses à ses propres enfants. Son choix était fait, il choisit une des deux épées. Il enfila ensuite une armure et devint méconnaissable. Il fut surpris de voir qu'il ne perdait pratiquement rien en terme de maniabilité même dans cette armure. Son oncle prit la dague.

"Alors comme ça, tu veux apprendre à manier ceci... hmm... bon choix, très ambitieux par contre il te faudra une condition physique irréprochable !"

Mais il ne pensait pas que son oncle allait tant s'investir pour l'initier ! Cela ne se résumait pas qu'à de simples chasses ensemble, oh non... Cyrion avait droit à de vrais cours, parfois avec d'autres élèves. Ceci dura quelques années, le plus dur fut de convaincre ses parents que son avenir semblait se dessiner vers l'art du combat. Une chose qu'ils mirent du temps à accepter, mais arrivé à 150 ans, l'Elfe avait atteint un niveau honorable en maîtrise de la lame et ils le soutenaient tout autant que son oncle, content de tous ses progrès réalisés. Surtout qu'il utilisait ses connaissances en magie blanche à bon escient.

Pendant qu'il vivait chez son oncle Edwaen, Cyrion entreprit d'aller visiter Heine. Il avait jusqu'à présent seulement pu dévorer des manuscrits décrivant cette belle cité, ou même admirer des gravures et dessins représentant ses contours. Le temps était venu de se rendre compte de ses propres yeux de la beauté des lieux. La veille de son départ, il alla dans une boutique d'alchimie - sa préférée - pour se procurer diverses potions. Il y vit un jeune elfe, mage semblait-il, en train de chercher des parchemins et des potions. Il avait l'air pressé et marmonnait tout seul. Cyrion néanmoins partit de suite converser avec le gérant de la boutique.

Cyrion _ Bonjour Ravel, heureux de vous revoir. Comment allez-vous ?
Ravel _ Je vous ai vu entrer, Cyrion, et cela m'a fait plaisir. Je vais bien, et vous-même ? Que devenez-vous ?
Cyrion _ Et bien... Je m'instruis toujours, en lisant beaucoup notamment. Je souhaite tout savoir de notre monde, et justement, je pars demain à l'aube en direction de Heine.
Ravel _ Intéressant, vous n'en reviendrez pas tant c'est magnifique là-bas, vous verrez héhé. Bien, si vous êtes venu ici c'est que vous avez besoin de quelque chose n'est-ce pas ? Dites-moi tout.
Cyrion _ En effet, vous êtes toujours aussi perspicace. Je souhaiterais me procurer des potions de santé supérieures et des potions de force mentale.
Ravel _ Je vois... Je vais vous préparer une belle besace, ne bougez pas.
Cyrion _ Merci bien, Ravel.

Alors que l'alchimiste préparait la besace de Cyrion, l'autre elfe présent dans la boutique vint dire quelques mots au futur voyageur.

Seytahn _ Euh... Excusez-moi, j'ai... Cela me gêne mais je dois avouer que je n'ai pas pu m'empêcher d'ouïr votre conversation.
Cyrion _ Ce n'est pas dramatique, mais à qui ai-je l'honneur de parler ?
Seytahn _ Je suis Seytahn, comme vous je m'instruis énormément, et comme vous je compte me rendre à Heine. Ainsi suis-je enchanté de faire votre connaissance, compagnon.
Cyrion _ Appelez-moi Cyrion. Je vois que vous êtes mage, quel type de magie pratiquez-vous et y êtes-vous très expérimenté ?
Seytahn _ Hmm... Je me suis spécialisé dans l'invocation des forces de l'eau, du vent et de la foudre. Je suis donc un mage à caractère offensif et je fais en sorte d'être le plus rapide possible.
Cyrion _ Sans doute. Et si j'ai bien compris, vous allez proposer que nous fassions route ensemble jusque Heine, n'est-ce pas ?
Seytahn _ Tout à fait. Je dois moi aussi découvrir le monde. Ce voyage sera enrichissant. Alors, qu'en dites-vous ?
Cyrion _ Et bien j'en dis que demain à l'aube, lorsque les premiers rayons du soleil apparaîtront, je serai au temple d'Eva. Si vous n'êtes pas en retard, alors c'est d'accord, nous irons à Heine ensemble.
Seytahn _ Voilà qui me réjouit. Je vais terminer mes derniers préparatifs. Je vous souhaite donc une bonne fin de journée, et vous dis à demain matin.
Cyrion _ A demain matin.

Le lendemain matin, Seytahn arriva à l'heure au temple, et c'est ainsi que Cyrion partit en direction de Heine avec celui qui allait devenir son meilleur ami.

Après quelques téléportations, mais aussi quelques longues marches pour voir du pays, Cyrion et Seytahn arrivèrent à Heine. Ils pénétrèrent doucement dans la cité avec de grands yeux. Des centaines de parterres de fleurs de toutes les couleurs y côtoyaient de magnifiques fontaines, le tout implanté au coeur de spatieuses bâtisses d'un style architectural raffiné au possible. En outre, partout en son sein coule une eau aussi pure que les cristaux qui illuminent les lieux en permanence.

Deux édifices retinrent particulièrement leur attention : le temple d'Eva et la fontaine de la place principale, tous les deux encore plus magnifiques que ceux de la capitale elfique. Bref, les deux Elfes passèrent un moment inoubliable en ces lieux, et eurent du mal à rentrer chez eux. Il le fallait pourtant. Cyrion fut le premier à y retourner, et les deux êtres se jurèrent de s'écrire régulièrement pour ne pas se perdre de vue.

Ce jour-là, il pleuvait à n'en plus finir. Cela faisait plus de cent ans que Cyrion s'entraînait dans le cadre d'un programme de l'école de combat de l'armée elfique, pouvant mener notamment au métier de garde ou soldat. L'entraînement était vraiment plus axé sur le physique que la technique ; le but était de garantir aux jeunes Elfes une constitution digne de ce nom, ce qui était très long à obtenir pour une race au physique d'origine assez frêle et chétif. Ce lourd travail quotidien, Cyrion l'exécutait parfois à contrecoeur, comme beaucoup de ses camarades. Surtout les jours de pluie... Sans un maître d'armes aussi compréhensif et compétent que Daniël Ty'Rhyen, ancien conseiller de plusieurs généraux Elfes, beaucoup d'élèves abandonneraient leur apprentissage en cours de route, à n'en pas douter.

"*d'une voix perçant le bruit de la pluie battante* Rentrez ! J'ai quelque chose d'important à vous dire, autant que cela soit fait pendant cette rude averse. Venez donc vous asseoir autour d'un feu !"

Une fois tous installés, Daniël expliqua à ses élèves que des listes avaient été dressées, afin que les meilleurs d'entre eux passent au niveau supérieur : les plus anciens élèves de l'école et les plus aguerris en firent donc partie. La fierté régnait chez ces Elfes retenus mais la déception était visible sur les autres. Un aller pour la plus prestigieuse des académies de combat elfiques était quand même en jeu...

Cyrion en faisait partie. Ses connaissances en médecine et magie blanche avaient sûrement fait la différence, car cela pouvait palier à un manque de constitution, de plus cela représentait une grande qualité au sein d'un groupe. Les 'élus' rejoignirent donc un nouveau camp, plus petit mais plus pointu, et de nouveaux Elfes en plein apprentissage. Les entraînements étaient clairement plus personnalisés, et l'accent était pointé sur la précision et la vitesse d'exécution ainsi que sur la gestion et les stratégies de combat. Cyrion se démarqua encore ; sa défense devenait redoutable et son aptitude à gérer des troupes serait sans doute elle aussi très bonne, il ne lui manquait que l'expérience.

Les décennies passaient et se ressemblaient. Sauf que bien entendu, Cyrion progressait, il approchait nettement du niveau requis pour très vite devenir un gradé. C'est à ses 328 ans que Cyrion s'inscrit pour la première fois à un examen, qui lui permettrait de postuler à des postes officiels. Durant cet examen, il était pessimiste quant à ses chances de réussite car ne s'étant pas trouvé très bon durant les épreuves, d'ailleurs le jury semblait hésiter mais un vieil Elfe, vétéran du combat à en juger par son apparence, vint interpeler l'assistance. Il chuchota quelques mots à celui qui avait l'air de présider le jury, puis ce dernier fit poliment comprendre à Cyrion qu'il devrait repasser l'examen une prochaine fois.

Cyrion se demandait qui était ce vieux soldat Elfe, et surtout ce qu'il avait pu dire au jury pour qu'il refuse net son apport. Mais alors qu'il allait quitter l'enceinte où se déroulait l'examen, il vit le vétéran arriver.

Vétéran _ *souriant* Bonjour... Cyrion, c'est bien cela ?
Cyrion _ Euh... oui, en effet, bonjour messire *s'incline poliment*
Vétéran _ Oh, je me présente, Draer Serundil, ancien, très ancien même héhé, général de l'armée.

Cyrion ne sut trop comment réagir, il se trouvait devant un Elfe important et se rémémora des histoires contées par son oncle. En effet, Draer avait été le supérieur direct de son oncle Edwaen, et apparaissait donc dans quelques aventures qu'on lui avait narrées durant son adolescence.

Draer _ Je connais votre oncle, Edwaen, ainsi en entendant votre nom de la bouche du président du jury j'ai été très attentif à votre prestation, une prestation fort intéressante d'ailleurs !
Cyrion _ Merci. Et c'est un honneur pour moi de vous rencontrer. J'ai beaucoup entendu parler de vous. Mais si ma prestation fut fort intéressante je ne comprends pas pourquoi je n'ai pas été retenu.
Draer _ C'est tout simple. Je souhaiterais devenir votre tuteur particulier.
Cyrion _ *visiblement aussi étonné qu'ému* Oh... Sérieusement ?
Draer _ Bien sûr, votre profil convient parfaitement et je suis certain que vous pourriez devenir un grand Chante-Lame. Alors qu'en dites-vous ? Vous n'aurez pas deux fois cette opportunité !
Cyrion _ J'en serais fier et honoré. Mais comment cela va-t-il se passer ?
Draer _ Et bien je ferai en sorte que vous soyez considéré comme soldat de l'armée, vous en serez un d'ailleurs. Mais vous suivrez par périodes mes entraînements particuliers. Si vous suivez le rythme, votre avenir sera resplendissant, à n'en pas douter !

C'est ainsi que Cyrion apprit l'art du Chante-Lame. Draer lui confit diverses missions, plutôt collectives pour qu'il puisse parfaire ses pouvoirs de soutien et sa capacité à diriger des troupes, mais aussi quelques unes individuelles pour qu'il apprenne à se débrouiller seul et voit du pays. Il fut aussi parfois assigné à des sortes de stages donnés à de jeunes Elfes et Humains. Il excellait dans tous les domaines dont il avait besoin excepté la maîtrise de sa voix, il avait encore besoin de beaucoup d'expérience à ce niveau-là.

Bien des décennies s'étaient écoulées, et Cyrion, du haut de ses 572 années, était reconnu comme un des tous meilleurs Chante-Lame de son peuple. Sous les ordres directs du général de l'époque, il gérait toute la garde allouée aux forêts du territoire elfique et le fit avec brio ; le territoire était sûr. De plus, Seytahn était devenu un élément très important pour le Haut-Prêtre de la capitale, ainsi les deux amis obtinrent les faveurs de leur peuple, et surtout du couple royal. Des rumeurs évoquaient même que le binôme deviendrait sous peu les deux nouveaux généraux, l'un pour les guerriers, l'autre pour les mages.

Côté sentimental, Cyrion fréquentait Milenys, une jeune fleuriste de la capitale elfique, qui s'occupait notamment des jardins et parcs de la cité. Ils s'aimaient passionément depuis maintenant une soixantaine d'années, et envisageaient de se marier au bout de cent ans de relation. Ils vivaient ensemble et quand Cyrion fut envoyé à la forteresse elfique pour donner des cours à de jeunes guerriers, Milenys le suivit. L'Elfe ne pouvait vraiment pas être plus heureux.

Seulement un jour, ce qui devait n'être qu'une routine se mua en drame. Des éclaireurs arrivèrent à la forteresse et soutenaient que deux centaines d'orcs primitifs de la zone neutre se dirigeaient vers les forêts elfiques. Seytahn était de passage, ainsi les deux amis réquisitionnèrent une cinquantaine de templiers, épaulés de quelques archers, mages et soigneurs. Après avoir envoyé un messager à la capitale pour prévenir le roi, Cyrion embrassa sa tendre et partit avec ses troupes en direction de la zone neutre.

Mais le long du trajet les Elfes sentaient bien que quelque chose se préparait... Et arrivés sur place, ils comprirent vite ; ce n'était pas deux centaines d'orcs, mais au moins un millier, qu'ils avaient à combattre. Ils rebroussèrent vite chemin et rentrèrent à la forteresse, suivis de la masse d'orcs. Au sein de cette forteresse, il fut vite expliqué ce qu'il se passait aux Elfes postés à l'intérieur et la terreur était palpable malgré que les plus expérimentés soutenaient de par leurs encouragements chaque soldat. La bataille était cependant inévitable, et toutes les personnes ne pouvant pas se battre se cachèrent dans une pièce au fin fond de la forteresse, gardée par quelques guerriers.

A peine cent orcs étaient tombés lorsque la porte d'entrée céda. Une marée d'orcs put pénétrer la forteresse ; la moitié mourut, que ce soit transpercé par une flèche ou une lame, ou même un sort. Mais l'autre moitié continuait à se battre et infligea des pertes du côté des Elfes. Les orcs étaient vraiment trop nombreux, ils s'engouffraient dans toute la forteresse et ils prirent très vite le dessus. Cyrion comprit qu'il n'y aurait sûrement pas de survivants de son côté... Seytahn n'avait jamais vu une telle détresse dans les yeux de quelqu'un.

Heureusement, des troupes arrivèrent de la capitale. Le roi avait pris le message de Cyrion, envoyé plus tôt, très au sérieux, ainsi plus de cinquante Elfes frais vinrent sonner la charge, et cette fois les orcs, tout de même affaiblis, doutèrent. Ils s'empressèrent de tuer tous les Elfes qu'ils pouvaient, mais tombèrent un à un, très vite. Au final, la forteresse était dévastée, et surtout, les pertes elfes se chiffraient à plus d'une centaine de disparus.

A la fin de la bataille, les nouveaux arrivants n'osaient prendre la parole. Le silence était suffoquant, seuls des pleurs se firent entendre. Seytahn, un peu amoché, alla à l'encontre du général, venu en personne, et expliqua la situation. Cyrion, lui, accompagné de quelques guerriers, était parti rejoindre le fond de la forteresse. Il acheva quelques orcs encore en vie, et en tua certains qui semblaient perdus dans les méandres de la forteresse.

Tout était cassé, certaines pièces avaient même pris feu. Il réalisa que les orcs avaient eu le temps de fouiller partout, et quand il arriva au fond, il ne vit que des gardes morts, et toutes les personnes vulnérables avaient été massacrées. Y compris sa tendre Milenys. Il s'en doutait, mais jamais n'avait voulu le croire. Quoiqu'il en soit, cette nouvelle l'attrista au plus haut point, et après avoir rejoint le général, pour lui faire un bref rapport, sans envie, et après avoir reçu une tape amicale et réconfortante de son ami Seytahn, il partit dans la forêt, pour ne plus jamais réapparaître aux yeux des siens...

Agé de 991 ans, Cyrion vit sous le pseudonyme de Figaro à Heine, et va souvent à Dion. Il a passé quelques siècles dans la nature, à explorer le monde, à tenter d'oublier son épisode douloureux... qu'il n'a pas oublié, mais qu'il a pu digérer. Il n'a pas perdu ses capacités, au contraire en errant autant de temps il s'est amélioré et en outre, l'alchimie n'a plus de secrets pour lui. Aussi, il a semble-t-il apprivoisé une drôle de créature volante, qu'il nomme Koukka. C'est en fait un lienrik, qu'il avait trouvé en piteux état et qu'il a soigné des jours durant. Ce dernier ne le quitte plus, bien entendu il ne le suit pas au millimètre mais se trouve toujours assez proche de lui pour le rejoindre dès qu'il l'appelle.

En bref, rôdeur aidant son prochain, pendant des siècles il a secouru bien des pauvres gens, a épaulé bien des gardes et fait tomber bien des monstres à l'aide d'autres aventuriers, un peu partout dans le monde. Seulement, il a ressenti le besoin de se poser en ville, et c'est à Heine qu'il s'est établi il y a peu. Durant toutes ces années, il a gardé contact avec Seytahn, lui aussi devenu très discret et vivant à Dion (d'où ses visites fréquentes dans cette ville). Les deux amis se sont même revus à plusieurs reprises durant ces siècles, et le mage lui aussi est retombé dans l'anonymat.

A l'époque, le roi et le général ne leur en voulaient pas du tout, au contraire. Sans eux, c'est sans doute la capitale qui aurait pu être visée par les orcs. Mais ils avaient échoué. Et Cyrion avait perdu son amour, ce qui le brisa bien des années. Et Seytahn, voyant Cyrion disparaître, avait choisi lui aussi de quitter ses terres. Mais le temps était venu pour eux de reprendre du service et de remettre la valeur qui était la leur au sein de leur peuple...