[Humain] Aurel

Le Mercenaire


Des prières inaudibles s'élevaient doucement des lèvres d'un homme à genoux. Sur le champ de bataille, des milliers de cadavres étaient allongés au sol, comme plongés dans un sommeil profond, mais le souffle avait déjà quitté leur corps. Des hommes ensanglantés se trainaient lentement au sol, une épée encore planté dans leur torse ... Au seuil de l'agonie. Cette belle plaine verdoyante était devenu rouge, et elle sentait la mort.
- Pardonne moi, car j'ai pêché ... Le soldat se releva doucement, un chapelet dans ses mains salies par le sang. Une personne au pas lourd se rapprocha de lui. C'était le capitaine de l'opération, un homme opulent et grossier, qui se souciait peu des formes. Il donna une forte tape sur l'épaule du soldat, avant de pousser un mugissement et de faire gronder sa voix grave .
- Alors, Aurel, fils de pute ! On les a bien écrasé, ces vauriens ! L'homme rit grassement un instant, avant de se faire couper par Aurel.
- T'as quand même perdu un bon millier d'homme ...
- C'est la victoire qui compte, bonhomme ! Voilà ta bourse . Un million d'adenas, comme prévu. J'aimerai pas t'avoir comme ennemi ... Le capitaine envoya la bourse bien remplie à l'homme, un sourire aux lèvres. Le mercenaire rattrapa vivement la bourse et l'accrocha à sa ceinture.
-J'espère pour toi que le compte est bon, l'ami. A une prochaine fois.
- Je ne te comprends pas, mercenaire ! Tu viens de te mettre en poche un million d'adenas, et tu tires la tronche comme si t'avais tué ta mère !
- Je l'ai tué, bien que ça remonte à une dizaine d'années.

L'homme fit quelques pas, enjamba une monture et partit au trot, s'éloignant du charnier où les corbeaux trouvaient déjà leur bonheur. Rien ne se lisait sur son visage froid et glacial. Une main tenait agilement les rennes, alors que l'autre caressait machinalement un simple chapelet de bois autour du pommeau de son arme. Aurel, mercenaire depuis une quinzaine d'années, bien connu sous le pseudonyme de Voleur d'âme. Il enchainait les contrats impossibles, sans prendre compte du danger. Il n'avait rien à perdre... Et tout le monde savait qu'il n'utilisait même pas son argent, une fortune.
Tuer était devenu sa seule vie, son seul but. Sa seule raison de vivre.


Souvenirs


L'homme arriva quelques heures plus tard à un village isolé dans les montagnes. Ses yeux humides brillaient alors qu'il surplombait la petite bourgade. C'était son enfance ... Sa si douce et calme enfance idyllique . Les souvenirs lui revenaient, le laissant un instant rêveur.
Ses promenades dans les champs de blé du coin, sa cabane dans le chêne presque centenaire, et ses amis ... Tout avait changé, et rien n'avait plus été comme avant. C'était comme une âme qu'on arrache, une vie douce qui devient sombre et brutale.
Ce n'était au départ qu'un accident ... Lors d'une de ses bataille épique que se livre souvent les jeunes enfants du village. Aurel était le meilleur éclaireur. Il se faufilait discrètement dans les rangs adverses et abattaient les ennemis de ses flèches. Assez massif, il était aussi connu pour les bagarres de rue. Il adorait se battre.
Ce jour ci, tous les enfants du village étaient réunis. Mais lors de la confrontation ultime, un des compagnons de jeu d'Aurel tomba grossièrement de la tour de garde, s'empalant quelques mètres plus bas sur les fortifications de l'avant poste . Pantois, le jeune enfant s'assit sur le rebord de sa cabane et contempla silencieusement le jeune Thomas, un pic en travers du thorax.
Lorsque les renforts arrivèrent pour la bataille finale, ils ne virent qu'un vrai cadavre, baignant dans une flaque rouge sombre. Alors, ils coururent au village en hurlant que Thomas était mort, qu'on l'avait tué.
La majorité des adultes connaissait la folle imagination d' Aurel ... Et ils le prirent pour un assassin et un fou, qui avait sans doute poussé son ami de la citadelle de bois et de cordes. Ils le bannirent, sans autre forme de procès, ne voulant plus le revoir et le maudissant.


Dévotion


Aurel tripotait distraitement son chapelet, se rappelant de la scène. Il n'avait plus qu'Einhasad pour l'aider. Elle, elle savait qu'il était innocent. Mais le temps l'avait fait devenir ce dont on l'avait qualifié .

Simple assassin tuant pour l'argent, Simple mercenaire payé pour tuer. Il espérait qu'Einhasad comprendrait sa misère.

Sans aucun but, errant dans sa vie comme un chien dans la ville. Sa propre famille l'avait renié ... Il détourna son cheval et repartit au galop. L'homme atteignit une simple baraque d'un étage. Il remit rapidement son cheval poisseux au palefrenier et paya une chambre à l'auberge. Allongé sur son lit, il tentait de trouver le sommeil, en vain. Ses meurtres le hantaient, comme à chaque nuit. Comme à chaque nuit, des cauchemars souillés de feu, de sang et d'acier le tourmentaient. A son réveil, ses pensées n'étaient toujours pas claires. Elles n'étaient jamais claires, tournoyantes dans son esprit torturé. L'homme se laissa tomber à genoux, son visage couvert de larmes. Sa main droite serrait son pendentif religieux, les jointures blanchies. Il ne voulait plus de sa vie d'errance. A partir de maintenant, il voulait devenir quelqu'un. Il allait devenir quelqu'un.