[Humain] Idiel Al Zaurak

L'aube se lève. Les lueurs d'un soleil rouge sang pénètrent dans ma demeure, rouge sang comme mon épée... Elle git là, à mes pieds, transpercée de part en part. Je l'ai tuée. Elle qui m'avait accompagné ces dernières années, moi le rejeton d'Oren. Nous ne nous aimions pas, comme dans la plupart des mariages arangés du royaume. Mais comment aurais-je pu imaginer ça... Elle m'a trahi. Je l'ai tuée. Je me sens lourd. Sa dague a pénétré ma poitrine trop profondément, trop profondément. A-t-elle été manipulée ? M'a-t-elle manipulé ? Toutes ces questions dans ma tête, le sang qui coule de ma blessure, mes sens disparaissent... Les ténèbres m'aspirent si facilement...

Le rugissement desespéré de Na'ir me fait reprendre conscience. Elle a raison. Je dois me réveiller. Je connais trop bien les ténèbres pour y retourner. J'ai déjà survécu à de multiples batailles, à de terribles massacres. Je ne vais pas disparaître pour si peu. Tu me sauves encore Na'ir... Merci Na'ir.

J'entends le chaos autour de moi. Que se passe-t-il ? Un grondement envahit tout le village. Des cris, des fracassements, des tambours... J'aperçois à travers la fenêtre des flammes. Le monde devient fou. Des maisons sont en feu. Des hommes sont à terre. Des hommes sont en sang. Le village se fait-il massacrer ? Non, c'est pire. Le village se massacre lui même. Les villageois attaquent les chevaliers, les chevaliers attaquent les villageois, les femmes tuent leur époux... Je vois à l'autre bout de la rue mon ami Hijnus, mon compagnon d'armes. Il est à terre, mort. Au dessus de lui s'exclame sa femme, levant au ciel l'arme qui lui a permis de faire cet homicide. Ce sceau sur cette arme. Je le reconnais... C'est une arme orque, dégoulinante de sang. Ce n'est pas la seule. De nombreux villageois sont munis d'armes harborant le même sceau. Quelle est cette folie ? Par reflexe, je cherche du regard les demeures des principaux guerriers et gardiens du village. Je suis horrifié. Aucune réaction. Ils gisent tous sur la porte de leur maison, mutilés, morts... Suis-je le dernier guerrier en vie ?

Je sens une ombre s'approcher de moi. Na'ir n'a pas réagi. Je ne sens aucune hostilité. C'est le prête du village, agonisant, tenant à peine sur son bâton. Je me jette sur lui pour le protéger et le fais pénétrer dans ma maison.
- Idiel, tu es encore en vie... Tu es en piteux état toi aussi..me dit-il d'une voix faible. Je me sens si faible, je n'ai même plus la force de nous soigner...
- Maître, que se passe-t-il ?
- N'entends-tu pas les tambours qui résonnent, Idiel ? N'entends-tu pas les cris, les armes qui se fracassent, les maisons qui s'écroulent ? Le village meurt, Idiel.

Je n'ai pas fait attention. C'est vrai. Des battemens de tambours envahissent l'air. Les Orcs sont aux portes de la ville.

- Les Orcs nous attaquent ?
- Les Orcs... les hommes... murmure-t-il. Nos propres amis qui nous trahissent...

Il voit à terre le corps de ma femme.

- Ta propre épouse... La folie s'est emparée du village. J'ai fondé ce village, je l'ai protégé et voilà ce qu'il se passe. Ne comprends-tu pas ? Tous les guerriers sont morts, tous tués par leurs proches. Nous avons été trahis par nos propres amis ! lance-t-il dans un souffle. Mon apprenti lui même a essayé de me tuer... J'ai réussi finalement à le maîtriser et à le faire parler. Lui et d'autres ont passé un accord avec les Orcs. Beaucoup de richesse, beaucoup de pouvoir... Pour tous nous tuer... Tout était planifié... Tuer les guerriers d'abord...tuer...

- Arretez de parler, maître. Vous n'en pouvez plus.
Je le vois s'écrouler.
- Idiel... je croyais avoir réussi deux choses dans ma vie... Ce village... et toi... Finalement te recceuillir a été la seule chose bien que j'ai pu faire... me dit-il dans un dernier soupir.

Le voilà mort, mort dans mes bras, mort devant moi. Je sens la rage m'envahir. La colère. La haine. Tout se mélange. Je me précipite malgré la douleur dans ma poitrine hors de la maison. Na'ir me suit. Le village est consumé. Mon père, mes compagnons, mes amis, les villagoins... ils sont donc tous morts. Morts à cause d'une dizaine de traîtres. Je distingue à l'entrée de la ville des lueurs. Des cohortes orques pénètrent dans la ville. Les traîtres se dirigent sur eux, se dirigent vers leurs "amis". La femme de Hijnus est la première devant les Orcs. Elle s'agenouille devant celui qui semble mener les troupes orques, le capitaine. Il se rue alors sur elle en lui assènant un violent coup de massue à la tête. Les traitres s'arrêtent alors, tandis que les orcs rient. Il me semble entendre une phrase du capitaine :

- Que croyez-vous, misérables chairs humaines ?

Les traîtres surpris ont compris qu'ils ont été eux même trahis. Quel comble pour eux. Les voilà qui fuient maintenant. Je me dirige vers l'autre sortie du village. Je sais qu'ils vont vouloir passer par là. J'y suis. J'avais raison ; je les vois arriver. Ils se dirigent vers moi.

- Idiel, s'il te plaît, aide-nous... nous avons été manipulés par les Orcs. Ils nous ont ensorcelé. Aide-nous ! - me prient ces misérables.

Je ne les entends pas. Je ne les entends plus. Dans une violente et rageuse haine, je les massacre. Je ne sens plus la douleur. Je ne sens plus la fatigue. Je saigne. Mais maglré tout je me sens bien. Je me déchaîne. Ils m'ont trahi. Ils nous ont trahi... Ils doivent mourir ! Un traître fuit. Je lance ma panthère sur lui. Na'ir n'en fait qu'une bouchée.

Je sens soudain mon épaule transpercée par une flèche. Les Orcs sont aussi là, surpris qu'un guerrier du village ait encore un souffle de vie. Décidant de les surprendre encore plus, je décide de déchainer ma haine sur eux. Le premier à me faire face est le capitaine. D'un seul coup d'épée, je l'élimine, l'efface. Sa tête est tombée. Je continue de saigner.

Tant pis. Je me rue sur ces monstres. Je les frappe. Je les frappe, eux aussi. Tandis que ma plaie s'ouvre, d'autres sous l'impact des coups apparaissent. Je ne reculerai pas. Je ne reculerai pas. Je vois soudain une lame se diriger vers mon cou. Je vais mourir. C'est certain. Na'ir saute alors sur le détenteur de cette lame et le tire vers le sol pour le tuer. Na'ir m'a sauvé. Encore. Je l'entends alors rugir en me regardant. Encore une fois, Na'ir me réveille. Je sors de cette folie dévastatrice. Je me rends compte qu'il faut fuir. Je ne dois pas mourir. Pas maintenant. J'assène alors un coup à l'aide de mon bouclier sur les Orcs pour les déstabiliser et décide de courrir hors du village. Je les sens me poursuivre. J'aperçois au loin la forêt interdite. Oui je dois les perdre là bas. Je me retourne pour contempler mon village, une dernière fois. Je ne vois qu'un halo de fumée. Il n'y a plus de village désormais. J'apperçois alors un groupe d'Orcs me poursuivre. Tuer leur capitaine a du les rendre fous pour gaspiller tant de leurs guerriers pour un seul homme. Tant pis, je n'ai plus le choix, je dois fuir cette région... Fuyons dans la forêt.

Cela fait des minutes que je marche et que je m'enfonce dans la forêt noire. Peut-être des heures. Je n'arrive pas à me rendre compte tellement je me sens fatigué. Le regard que m'adresse Na'ir me confirme que les Orcs n'ont pas laché prise. Ils sont tenaces. Je sens soudain une présence étrange, un esprit. Je vois que ma panthère l'a senti aussi. Elle s'accroupit et avance pour disparaître dans la pénombre. Je sens alors une brise se lever. Je distingue alors à travers les arbres une lueur. Un violent vent se dirigea alors vers moi. Malgré mes blessures, je réussis à bloquer ce coup à l'aide de mon précieux bouclier. Silence. Je sais que Na'ir s'approche de l'assaillant. J'entends alors un rugissement puis un bruit sourd. L'ennemi est vaincu. J'approche et je vois à terre, bloquée par la patte puissante de Na'ir une jeune elfe à la peau sombre. Elle semble en colère et agressive. Mais malgré tout, je ne la perçois pas aussi mauvaise qu'elle ne le paraît. Ses yeux transmettent autre chose. Je la sens triste et desespérée. Elle me trouble ? J'ai tué trop de personnes aujourd'hui pour la tuer elle. Surtout pas elle... Surtout pas elle ? Qu'est-ce qu'il me prend de dire ça... Qu'est-ce qu'il m'arrive ? Non c'est juste que je ne dois pas la tuer. Par un regard, Na'ir comprend qu'elle doit la libérer. Elle s'exécute et se retire de la jeune elfe noire. Je lui tends la main mais elle ne l'accepte pas. Elle semble encore si arrogante. Mais pourtant... Quelle surprise ! Après un laps de temps très court, elle décide de soigner et guérir mes blessures par sa magie ! Pourquoi fait-elle ça ? Pourquoi ce changement d'attitude si soudain ? Alors que ma propre race s'entretue, une femme d'une autre race s'occupe de moi... S'occupe de moi comme personne hormis mon maître... Une elfe noire en plus. Je ne comprends pas. Je ne la connais que depuis quelques minutes qu'elle m'attaque pour en suite me soigner. Deux choses si extrêmes. Elle est si étrange. Comment quelqu'un de si agressif peut cacher une telle bonté ? C'est si perturbant. Je m'évanouis dans la profondeur de ses yeux, trop profonds pour que je puisse comprendre ce qu'il vient de se passer. Un grondement soudaint retentit dans la forêt. Elle m'a complètement égaré... C'est vrai, les Orcs sont à mes trousses ; je dois réagir. Je me résigne ainsi à abandonner l'elfe, sachant que les Orcs ne l'attaqueraient pas, ils n'en veulent qu'à ma peau. De plus elle est dans sa forêt. Je n'ai pas à m'inquiéter.

Après m'être écarté de la zone, je sens alors s'intensifier une gigantesque magie noire. Emane-t-elle de l'elfe ? Suivent ensuite d'horribles cris d'Orcs à l'agonie. J'en suis sûr, ils sont morts. Elle les a tués. Pourquoi m'a-t-elle épargné ? Pourquoi m'a-t-elle soigné alors qu'elle les a massacré eux ? Qui est-elle ? Je n'ai même pas pris le soin de lui demander son nom...

Il faut que je la revoie.


EPILOGUE – 6 ans après dans un lointain pays hors des Terres d’Azurya

- Erinnys… Que t’est il arrivée ?

Elle est là, si faible, à terre à quelques pas de moi. Si faible mais pourtant le regard qu’elle m’adresse est l’arme la plus aiguisée que j’ai pu connaître dans ma longue vie. Comment a-t-elle pu me haïr autant ?

- Nous sommes là pour te réveiller. Tu dois te réveiller. Eryn et Erini t’attendent. Je t’attends aussi.

Encore une fois pour toute réponse elle me fixe de son regard haineux qui me paralyse. J’adresse alors mon regard au prêtre qui m’accompagne.

-Vous sentez cette magie noire en elle ? Nous sommes venus pour ça. Libérons là cette magie n’est pas à elle.

Non je me souviens qu’elle n’avait pas cette aura avant sa capture.

- Elle ne doit plus l’avoir ! je m’exclame, mes pensées trop fortes sortant de ma bouche.

Je sens le prêtre hésitant. Me concentrant sur le peu de magie acquise ces dernières années je m’approche d’Erinnys. Plus je m’approche plus elle semble désorientée, se rapprochant d’un état de transe. Elle semble perdre l’esprit. J’avance encore d’un pas lorsqu’elle pousse soudain un cri aigu.

Un halo de lumière noire et étouffant m’englobe… Où suis-je ? Que m’arrive t’il ?

Erinnys…