[Humaine]Euphemia

Cela faisait 5 ans, et pourtant elle se souvenait de chaque instant de cette journée. Son incompréhension, sa peur, sa colère et sa haine finalement. Ce sentiment qui s’était peu a peu glissé en elle, tel un poison et qui avait fini par masquer tous les autres.
Elle n’avait pas été préparée à ça, personne n’avait même imaginé que ça puisse se produire… et pourtant s’était arrivé, et personne n’avait rien dit, rien fait…



Euphémia était une princesse, une jeune femme agréable, plutôt jolie, bienveillante. Elle avait hérité d’une éducation très distinguée et était très cultivée et intéressée par beaucoup de choses. Elle passait la majorité de son temps au château, mais il lui arrivait de se promener hors des murs protecteurs, accompagnée par quelques gardes. Les sujets du royaume la croisaient parfois lors de ses déplacements. Elle n’était pas particulièrement hautaine vis-à-vis d’eux. Leurs vies étaient différentes de la sienne, elle en était consciente et n’abusait pas de son rang.

Son père mourut lors de sa 22ieme année. Il n’avait pas été un mauvais seigneur, ni notoirement bon. Il avait protégé ses sujets en tout temps, évitant les combats sanglants sur ses terres, mais ceux-ci devaient travailler dur pour subvenir à leurs besoins. Euphémia était fille unique et malgré la tristesse de la mort de son père et son jeune âge, s’apprêtait à assumer la succession à la tête du royaume.

C’est à ce moment que tout bascula. Cette soirée maudite, la veille de son sacre, où l’un des conseiller de son père vint la trouver dans sa chambre, lui ordonnant de quitter le château sur le champ. Elle n’avait pas compris, croyant a une blague de mauvais gout. Pourtant des gardes approchèrent, armés… cela mêmes avec qui elle riait quelques semaines plus tôt, les mêmes qui la virent grandir dans ce château. Pourquoi ? Le conseiller la fixa avec amusement à cette question, les seuls mots qu’elle pu prononcer tellement elle fut surprise. Elle n’était pas faite pour régner, elle était trop jeune, trop insouciante, elle mettrait le royaume à genoux, il fallait enfin quelqu’un avec de la poigne pour diriger, quelqu’un qui savait ce qu’il voulait, lui bien sur. Soit elle quittait le château, soit elle passait le restant de ses jours au fond d’une geôle. Elle avait beau chercher du soutient dans le regard des gardes présents, rien, pas un mouvement.

Quelques minutes plus tard elle était dehors, avec trois fois rien sur elle. Une petite bourse d’or comme seul bien. Elle avait erré dans les rues de la ville, toujours perdue et ne comprenant rien à ce qui se passait. Elle tenta de parler aux gens qu’elle croisait. Ils la reconnaissaient, bien sur, mais pourquoi risquer leurs vies pour elle ? Elle ou quelqu’un d’autre… ca ne changerait pas leur vie. Elle avait beau leur promettre tous les efforts du monde pour faire mieux que son père et les soutenir, elle avait beau hurler à quel point le conseiller était un être fourbe et égoïste qui s’en prendrait aussi à eux maintenant qu’il était au pouvoir. Rien. Les portes se fermèrent une à une avec la nuit qui tombait. Euphémia resta là, au beau milieu de la place, sanglotante.

Qu’avait elle fait pour mériter ca ? Pourquoi personne ne voyait le danger que représentait le conseiller qui avait dévoilé enfin sa vraie nature ? Pourquoi personne ne la soutenait alors qu’elle s’était montrée respectueuse de ses sujets ?

La princesse passa la pire nuit de sa vie, assise seule au pied d’un arbre à l’entrée de la forêt qui bordait la ville. Elle cru mourir de peur en entendant les bruits de la nuit, et mourir congelée avec le froid qui se faisait plus saisissant avec l’heure qui avançait. Elle souffrait, et plus elle souffrait, plus la colère l’envahissait, laissant enfin place à la haine. Cette nuit de cauchemars prit enfin fin avec le levé du jour, laissant une princesse définitivement marquée et changée.



Son regard autrefois amical et chaleureux était devenu glacial. Ils allaient payer. Tous. Elle allait mettre le royaume à genou ? Sans doute, mais ca n’était que leur faute ! La faute à leur immobilisme.

Plus personne n’entendit parler d’Euphémia à partir de ce jour.

Pendant les semaines suivantes, le nouveau roi avait exigé de nouvelles taxes, et les paysans devaient travailler plus dur. Mais personne ne protesta, personne ne critiqua, personne ne fit allusion à la jeune princesse qui aurait pu changer les choses.

Des événements troublant commencèrent. Des disparitions. Parfois les disparus revenaient, le regard vide, ou terrorisé, comme revenant tout droit de l’enfer. La crainte habitait de plus en plus les habitants du royaume. Plus personne ne sortait seul, même les gardes commençaient à subir cette peur qui se généralisait. Encore des disparitions, encore des survivants qui revenaient, mutilés, mentalement et physiquement. Le royaume sombrait. La famine approchait à grand pas, plus personne n’osant quitter les villes pour aller aux champs. Le conseiller avait beau durcir le ton, armer ses gardes et faire des exemples pour motiver les autres, punir les paysans… il ne pouvait rien face…. aux cauchemars.

Ce mot, ce nom qu’on pouvait lire à présent sur toutes lèvres, le seul que les rescapés pouvaient articuler en réapparaissant après plusieurs jours sans donner de nouvelle. Le cauchemar tuait le royaume à petit feu, la peur consumait chacun de ses êtres jour après jour. Nombreuses furent les personnes qui préférèrent se suicider, des familles entières parfois, plutôt que de continuer à affronter ces peurs qui les hantaient.

La fin était inéluctable, en deux ans, le royaume ne fut plus. Les seigneurs voisins profitèrent pour se partager les terres, l’absence d’armée et d’organisation ayant rendu la défense inexistante.



La mort du royaume ne calma pas la princesse qui avait tout provoqué. Son cœur meurtrit s’était définitivement assombrit. Elle avait tellement souffert, et fait souffrir les autres. Elle pensa se donner la mort mais ne pu s’y résoudre. Alors elle continua sa route, ne laissant sur son chemin qu’une seule chose … des cauchemars