<< Il court, il court, l'hérétique..>>
Je chantonnais cela en marchant dans la foret noire, guillerette. La traque me mettait toujours d'humeur joyeuse.
Tandis que mon serviteur fouillait les bois minutieusement, je laissait mon esprit vagabonder, comme je le fais souvent.
Ma vie à Nossta s'était résumé en un apprentissage parfait des préceptes de Mère. Enfant, je manquais cruellement de dextérité et était très maladroite, manier les armes m'était donc impossible. La magie de guérison ne m'intéressait que fort peu et le maniement des éléments était laborieux. Les instructeurs ne savaient que faire de moi. J'étais d'un naturel rêveur, je passais des heures et des heures à parler à des amis que je m'inventais, je me racontais nos aventures dans ma tête sans m'en lasser. Mes défunts parents me pensaient perdue, jusqu'au jour où un des amis que j'avais imaginé se matérialisa. Naïve, je trouvais cela merveilleux. Mais on m'apprit vite qu'en fait, il s'agissait d'une invocation de bas niveau que j'avais fais apparaitre par la force de mon esprit, à force de rêveries. Je commença donc à m'entrainer à faire obéir cette entité qui avait jaillit de mon esprit, la contrôlant de mieux en mieux. On avait enfin trouvé quoi faire de moi.
Une fois adulte, je tentais de servir Mère au mieux en ramenant les hérétiques que l'on me désignait au temple, par la force ou simplement en les charmant. Les mâles sont si crédibles parfois..
Alors que je me faisais cette remarque, un Sombre surgit devant moi, une dague à la main. Surement l'hérétique, à en juger par son regard haineux. Moi, je le regardais neutrement, un peu agacée d'avoir été sortie de force de ma rêverie. L'hérétique brandit sa lame bien haut en s'élançant sur moi dans un cri. Je ne bougeais pas. A quoi bon faire des gestes inutiles ? Je connaissais déjà le gagnant.
Au moment où la dague arrivait au niveau de ma tête, une ombre surgit et sectionna le bras du misérable. Je souriais. A quoi bon se servir d'une arme ? Mon esprit en était elle à elle toute seule. Je donnais mentalement l'ordre à mon serviteur de neutraliser l'hérétique, qui reçut un violent coup derrière le crâne. Je lui ordonna ensuite de le porter et de me suivre.
Je retombais dans ma rêverie en retrant à Nossta. J'avais une conviction. Je voulais servir Mère au mieux, atteindre le but ultime auquel aspire chaque Sombre fidèle à Mère. Je faisais ce que je pouvais ici, chassant les cible qu'on me donnait. J'avais une méthode peu commune, certes, mais je n'avais encore jamais échoué. L'échec n'est pas permis aux enfants de Mère.
Je relevais les yeux en arrivant devant le temple de Nossta. Entrant avec le corps, je donnais l'ordre à mon invocation de le déposer devant les prêtres. La mission était accomplie, son châtiment allait pouvoir commencer. Je n'étais pas habilitée à rester pour y assister, à ma grande peine. Je m'agenouillais devant l'hôtel, pour prier Mère quelques instants avant de repartir à la tâche.
Ce que je faisais me plaisait, certes. Mais il restait une insatisfaction, je ne me sentais pas complète, pas entière.
<<Plus. Je veux faire plus pour Mère.>> Voilà ce qu'il me fallait..Plus..
En restant ici, je continuerai à ne faire que des basses besognes. Voilà ce que je me disais en rentrant chez moi. Je décidais alors de partir pour Gludio, là où l'action se faisait. Je pourrais surement faire quelque chose de plus que ce que je fais ici. De plus, je voulais rencontrer des gens, leur parler, m'entrainer avec eux, ce qui était rare ici. Nossta n'était pas très divertissante pour une jeune Sombre rêvant d'action.
Si j'étais restée à Nossta tout ce temps, c'était en partie à cause des autres races. Je n'avais ni l'envie ni la curiosité de les côtoyer. En particulier les humains, ces traitres, et les pâles, ces repoussantes petites choses claires. Bien que je n'en ais vu que très rarement, cela me suffisait à me rendre résistante à l'idée de quitter mon village natale. J'y avais longuement réfléchis et en avait conclu que ces traitres ne devaient pas me freiner dans mes choix d'avenir, qu'importe leur nombre. Si je voulais parvenir au but ultime, il allait bien falloir que je passe outre mes réticences.
Plus rien ne me retenait à Nossta. Les membres de ma famille étaient morts en servant Mère sur le champ de bataille, il y a de cela plusieurs décennies et mon compagnon était partit longtemps avant moi. Je n'ai jamais pu me résoudre à le suivre, malgré mes sentiments pour lui. Je rassemblais quelques affaires en hâte, les rangeais dans un sac et partais, laissant ma maison ouverte.
Je sortis de Nossta sans regarder derrière moi. J'aurais bien l'occasion d'y retourner, un jour.. Pour le moment, je regardais devant moi, en avançant. Je partais vers mon destin en quête du but ultime, de rencontres et peut être, qui sait, de retrouver mon compagnon depuis si longtemps absent..
Direction Gludio.