La maison était close, les fenêtres obturées par d'épaisses planches. Un craquement retenti, des planches furent enlevées, libérant une porte sur l'arrière de la maison. Le Kyorl s'effaça pour laisser passer la prêtresse
- Êtes vous certaine qu'elle soit ici?
- Où veux-tu qu'elle soit?
Leurs sens aiguisés leur permettaient de se diriger sans encombre de la maison, vaste demeure richement décorée, dont les meubles, recouverts de draps, évoquaient autant de fantômes du passé. Elle n'était pas vide depuis plus d'un an mais déjà le sol se recouvrait d'une épaisse couche de poussière, preuve que les quelques domestiques payés pour, ne l'entretenaient déjà plus. Elle était de construction ancienne, mais moins encore que la famille de la noblesse l'habitant avant que l'épidémie ne les emporte tous vers Shilen. Il ne restait plus d'eux qu'une enfant, pour porter leur nom et hériter des vestiges, et c'est elle que les deux sombres venaient chercher ici.
L'enfant, une fillette de 10 ans, avait été confiée au Temple, n'ayant personne d'autre pour s'en occuper, qui ne soit pas intéressé par son patrimoine. Fort marquée par la perte des siens, elle restait rétive et indisciplinée.
Hier elle s'était enfuie et Naeima, chargée d'elle, pensait bien la trouver ici.
S'accroupissant, elle désigna à son kyorl des traces de pas dans la poussière.
- Tu vois? Elle est ici, restes la, je vais la voir.
S'éloignant dans les profondeurs de la maison, elle se dirigea vers la chambre ou elle-même était venue chercher Najha, un an plus tôt. Elle était bien la, recroquevillée sur son lit, endormie.
L'enlaçant, elle lui murmura qu'elle la laisserait venir de temps en temps ici, mais pour l'heure, qu'il fallait rentrer au Temple. Épuisée, l'enfant ne broncha pas quand le kyorl vint la soulever, et c'est, endormie, qu'elle fut ramenée dans la chambre qu'elle partageait avec la prêtresse.
Avec le temps, l'enfant devint plus calme au fur et à mesure que l'image de ses parents devenait plus floue, remplacée par celle, bien réelle, de Naeima.
A l'âge de 120 ans, elle put intégrer l'Académie militaire. C'est grâce à sont talent, exercé par Erath, le kyorl de Naeima, qu'elle put y entrer, sans utiliser le passe-droit que lui accordait sa naissance noble.
Sa force n'était pas assez grande pour qu'elle manie l'épée avec efficacité, elle était bâtie en finesse, rapide, discrète... C'est dans la maîtrise de la dague qu'elle excellait et qu'elle s'exerçait jours après jours.
Un siècle plus tard, elle quitta l'Académie, étant restée plus longtemps que la moyenne, multipliant les apprentissages, touchant même aux arcanes sombres par la maîtrise du vent. Elle avait gagné beaucoup en discipline, en confiance en elle, mais perdu tout autant en naïveté et douceur.
A cette occasion, le Hierarch lui avait rendu l'usage de biens familiaux, jusque la placé sous tutelle du Temple. Si elle se rendit quelques fois dans la maison de son enfance, elle n'y habitat jamais, se contentant de payer pour qu'elle soit entretenue tout les mois.
La seule dépense personnelle qu'elle semblait consentir à faire était d'acheter diverses tenues en cuir, toutes taillées pour le combat, mais gardant cependant une prédilection pour celle qu'elle portait en mission, d'un rouge profond.
A partir de là, elle reçut de nombreuses missions par le Temple, lui étant toujours resté d'un dévouement total. Des missions qui souvent consistaient en des protections, on aurait pu dire d'elle qu'elle était un kyorl, mais elle ne recevait d'ordre que du Temple. D'autres missions également, plus discrètes, plus solitaires, dont on ne parlait pas.
Aujourd'hui, elle revenait d'une de ces missions, couronnée de succès et dut faire son rapport au Hierarch lui même. Après l'avoir écoutée, il lui indiqua que dés le lendemain elle aurait une nouvelle mission, d'escorte cette fois. La personne lui serait présentée devant le Temple à la mi journée, personne qu'elle devrait protéger et surveiller.
Ayant reçut la bénédiction du Hierarch, elle rejoignit Nameia pour passer la nuit avec celle qu'elle considérait comme sa mère. La vieille sombre était maintenant la seule personne avec qui elle laissait tomber son masque d'impassibilité.
Le matin venu, elle attendit, conformément aux ordres, qu'on lui présente la personne qu'elle devrait suivre.