Je me sentais trahis, laissé pour compte.. abandonné même.. Après toutes ces années, découvrir que votre vie a été régie par un rêve profond...ça ne laisse pas de marbre. Le monde a changé, sans nous, plusieurs milliers d'années de retard à rattraper... alors je pense qu'il était parfaitement juste que je me sente trahis par ceux qui nous ont enfermés ici et ceux qui nous ont crées.
Mais sur le moment, je me fichais bien de savoir pourquoi nous nous réveillions après une telle éternité: je mourrais de faim et quittait donc le pont. Seulement il n'y avait pas âme qui vive dans la bâtisse silencieuse et jamais je n'aurais touché à l'un des miens. Je longeais les couloirs, mes pas heurtaient le sol dans un son sourd que l'on attribuerait d'ordinaire au marbre, il régnait un silence religieux si je puis dire et c'est en m'approchant peu à peu de la sortie que j'entendis le premier bruit à venir agripper mes oreilles depuis des siècles.
Le vent et l'eau semblaient s'être alliés pour fendre la roche des falaises qui bordaient l'île. Le fracas assourdissant sifflait à mes oreilles, les gouttes d'eau s'agglutinaient sur mon corps immobile tandis que je fixais le continent au loin. Ces terres ne m'étaient en rien familières et je nourrissais un certain désir de les explorer peu à peu que je les admirais. J'étais pour l'instant le seul à m'être éveillé du tombeau de pierre qui fut jadis notre glorieuse forteresse.
Je quittais le promontoire qui me servait d'observatoire pour m'aventurer sur un sentier où la faune s'était développée au fil des années. C'était l'endroit idéale pour me nourrir, j'agrippais l'imposante épée avec laquelle je m'étais éveillé pour foncer sur le premier être vivant à porter d'aile. La faim qui me dévorait ne s'étencha qu'après avoir absorber les âmes de plus d'une centaine de ces rongeurs et renards qui vagabondaient sur mes terres. C'était un sentiment exaltant, être dans la peau d'un prédateur dangereux dont la puissance augmentait tant qu'il tuait. Cette hécatombe aurait pue paraître abominable au yeux des autres, pourtant je n'y voyais rien de plus qu'un besoin primaire auquel je répondais.
Il en fut ainsi des jours suivants, et des jours d'après jusqu'au compte de trente neuf jours durant lesquels je passais mon temps à repenser à mon enfance ponctuée d'entraînements interminables. Cependant le continent de quittait pas mes pensées, et à mesure que le temps passait, que la solitude me rongeait, je commençais à élaborer les moyens de concrétiser ce voyage au coeur de ces terres si peu lointaine. J'avais envisagé d'utiliser un bateau mais j'avais découvert en explorant l'île que les les navires avaient été bel et bien détruits lorsque les dieux nous envoyèrent au fond des abysses.
C'est dans mes souvenirs que j'eus tôt fais de puiser l'idée : notre véritable forme nous permettait autrefois de quitter la terre et de garder nos forces, nos créateurs nous avaient enseignés à utiliser notre potentiel à son maximum...
La traversée ne fut pas de courte durée, car voilà bien longtemps que je n'avais pas frôler la terre de si peu. Autrefois j'étais brillant, respecté par mes semblables, si bien que ma place au sein de la hiérarchie en était tout aussi brillante et respectée. Et j'étais à présent seul, plus faible, à tel point que j'avais du mal à garder la mince distance qui me séparer de la mer.
Ce que j'avais distingué pendant mon trajet, fut une réalité à mon arrivée: c'était des terres sauvages, et je pouvais observer parfois les silhouettes Orc dans les plaines glacées. Cette race guerrière, je n'en avais pas côtoyé depuis plus de quatre mille cinq cent cinquante trois ans et je me doutais que eux avaient tout oublié des vieilles races qui marchaient autrefois non loin d'eux.
Mon séjour en leur terre fut de courte durée, ne tenant pas à me battre j'évitais de me faire voir et m'enfonçais plus profondément dans leur territoire jusqu'aux terres où un incessant froid régnait. Je me nourrissait de la faune environnante, je traversais de grands espaces humides, arides et brulants et me dirigeais vers le sud peu à peu, ne sachant vraiment qu'y trouver.
Les paysages évoluaient au fur et à mesure du temps, et de plus en plus je trouvais des traces de civilisations. Le continent d'Aden n'avait que trop bien changé et je me dirigeais vers la cité la plus populaire connue sous le nom de Giran, restant en ses alentours et me nourrissant du bétail de fermiers humains.
Je désirais ardemment y pénétrer tant ma curiosité me tenaillait ... Que pouvais bien cacher ces murs de roches empilées ? Se souviendrait on de moi ou de ma race ?
Je décidais, à présent, de répondre à mes questions..