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Suite à la suppression des chroniques de Derdraï sur le forum officiel de Blizzard (pour "faire de la place"... je les retiens, d'autant que ce n'étaient pas des petites chroniques), et à l'autorisation d'Aithe (bisou n'Aithe !), je les continue ici.
Résumé des épisodes précédents :
Suite au meurtre de sa famille par le Culte des damnés, Derdraï, capitaine des archers de Silvermoon, se joint, paradoxalement, au Fléau mort-vivant, tuant et trompant aveuglément en l'échange de l'espoir bien mince de pouvoir un jour ressusciter ses enfants et son mari.
Ce récit est l'histoire de ses souvenirs, à l'heure actuelle, alors qu'elle s'est enfin libérée de la prison mentale qui la retenait captive du Fléau, et qu'elle essaye de reconstruire son identité en se replongeant dans son passé.
A ce stade des souvenirs, elle avait trahi Silvermoon, aidé à sa façon à détruire Dalaran, et venait tout juste de débarquer sur Kalimdor. Son changement en cavalière de la Mort était de plus en plus visible, au point où elle-même s'en apercevait...
Les forêts de Kalimdor...
Seuls les plus anciens textes des hauts elfes en gardaient souvenir, et je ne faisais pas partie des quelques sages qui s'offraient le luxe de les lire. Néanmoins, j'en avais entendu parler lors des discussions sur la vie "avant", avant notre bannissement et la première invasion de la Légion, s'entend.
La réalité dépassait nettement notre imagination : touffue, vivante, sombre ; tous les pores de ma peau me prévenaient d'un danger, comme si les arbres eux-mêmes luttaient contre les avatars de la Mort que nous étions, mes servants et moi.
Néanmoins, j'étais joyeuse. Non pas de cette joie claire et saine, celle que l'on ressent après un bon repas, pendant un câlin avec l'être aimé à l'ombre d'un arbre pendant l'été. Non, plutôt la joie perverse que l'on ressent à frustrer un gamin de son jouet, tout en agitant ledit jouet devant ses yeux pendant quelques heures. Un des gros avantages de la chaîne mentale du Fléau était que les subordonnés ne pouvaient faire que ce que leurs supérieurs ne leur interdisaient pas de faire. Et là, en l'occurrence, le pauvre Alexandre n'avait pas reçu l'autorisation, même implicite, de me parler.
Je sentais le jeune humain chevalier de la Mort bouillonner derrière moi depuis quelques heures, mais, ne m'étant pas adressée à lui, il ne pouvait pas me parler, sauf urgence. Et sa colère envers moi n'avait rien d'urgent.
Cependant, le jeu avait assez duré, et il valait mieux qu'il explose de colère ici qu'à proximité d'un éventuel camp ennemi. De toutes façons, j'étais à peu près sûre que nous étions déjà repérés, l'odeur de mort répandue par nos amies goules étant une insulte à la beauté de la forêt multi-millénaire.
"Je t'écoute, Alexandre."Je portais de nouveau la main à ma gorge. Je m'étais faite à l'idée que ma voix était devenue plus froide encore que ma magie, mais depuis peu, lorsque je parlais, c'est comme si trois autres personnes, avec des tons différents, disaient la même chose que moi. Un phénomène que je n'avais vu se manifester que lorsque les esprits des morts parlaient.
"Les trolls ! Comment as-tu pu oser me laisser me ridiculiser à ce point, Derdraï ?!
- Ce n'est que ça...
- Que ça ? Tu m'as laisser me couvrir de honte devant nos supérieurs, à cause de ça je dois t'accompagner dans cette foutue jungle !
- Tu devrais être heureux d'obéir, Alexandre, et encore plus de te trouver sous mes ordres. L'idée de torturer des trolls était la tienne, tu avais l'air si enthousiaste que je n'ai pas voulu t'en décourager..."Avec un sourire sombre, je le laissais enrager tout seul. J'avais pris goût à le voir poser stupidement ses questions à des trolls dont les blessures régénéraient aussi vite qu'elles étaient faites, le tout devant un Seigneur de l'effroi et d'autres officiers du Fléau.
"
L'endroit parfait pour une embuscade..."
Nous venions d'entrer dans une vaste clairière, bordée d'arbres touffus bloquant notre vue. Effectivement, il aurait suffit aux elfes de la nuit de poster quelques archers dans les arbres et d'attendre que nous leur tournions le dos pour mettre fin à nos jours. Une pensée assez pessimiste...
Néanmoins, le danger n'avait pris pour seule forme que celle d'une jeune Kaldorei en train de cueillir quelque chose, des fleurs, sûrement. J'ordonnais, discrètement, à Alexandre d'encercler, discrètement, la jeune elfe de la nuit, et de la capturer, discrètement, pour interrogatoire. Je me faisais de belles illusions.
A peine avais-je donné l'ordre que mon subalterne ordonna à ses goules de foncer sur notre petite ennemie, qui prit la fuite devant cette masse de charognes ambulantes. Consternée, je laissais tout juste échapper un "
Oh nooooon..." de résignation lorsque nos laquais morts-vivants s'enfoncèrent dans les fourrés pour la poursuivre.
Alexandre, cette brute, était mort de rire. C'était bien lui ça, aucune subtilité, toujours foncer, réfléchir après. A croire que la non-vie lui avait ôté le cerveau...
Son hilarité fut de très courte durée. Quelques secondes après que la dernière goule eut quitté notre champ de vision, des sifflements de flèches se firent entendre, et, faisant appel à toute mon autorité magique, j'ordonnais à nos serviteurs de revenir au plus vite.
Sur la douzaine de goules qui étaient parties, une seule sortit des fourrés, et encore, il ne passa pas deux secondes avant que deux flèches viennent couper son corps putréfié en deux. Deux autres secondes, et nos armes, à l'humain et à moi-même, étaient sorties, attendant le danger.
Des mouvements, ainsi que de brefs éclats dans les arbres nous informèrent que nous étions encerclés. La Kaldorei ressortit des bois, un sourire aux lèvres, déjà un peu plus menaçante en armure de cuir noir et équipée de deux petites lames brillant d'une lueur argentée. Des armes bénies, comme si on avait eu besoin de ça...
Un rugissement. Mon intrépide coéquipier s'était lancé vers elle, avec l'intention manifeste de la tailler en pièce. Parfait, cela m'offrait l'occasion idéale pour exécuter mon plan...
Comme il fallait s'y attendre, des flèches s'abattirent de partout sur l'humain corrompu. Il réussit à en esquiver une partie, à en dévier une autre, mais certaines, qu'elles furent mieux tirées ou enchantées, traversèrent sa garde et son armure, et il s'effondra dans un grognement très nettement audible.
Je restais calme. De glace, même, pour employer un mauvais jeu de mot. A cette distance, leurs flèches perdraient de leur précision, et j'étais moi-même peu enthousiaste à l'idée de me laisser faire.
Apparemment, la Kaldorei en cuir devait être leur chef, car elle murmura quelque chose qui fut repris en cœur par l'ensemble des arbres qui m'entouraient, et les éclats pointés vers moi disparurent comme par magie. Elle voulait me tuer elle-même, moi, une championne du Fléau, vétéran de la seconde guerre ? Je la plaignais.
Néanmoins, elle avait plusieurs avantages en sa faveur. Elle connaissait le terrain, et sa tenue plus légère l'avantageait face à ma très lourde à deux mains, dont les subtilités du maniement m'échappaient encore un peu. De plus, bien que rendue très forte par ma magie impie, mon armure lourde ne me permettrait jamais d'être aussi rapide et souple qu'elle, bien que mon entraînement d'ancienne ranger me rendait bien plus agile que la moyenne.
Elle me salua d'un sourire ironique, ses armes brillant dans ses mains. Elle était sûre de gagner, même si je la mettais en difficulté, ses alliés me perceraient de flèches avant que je puisse l'achever. Si mon plan échouait, j'étais fichue, toute ma puissance ne servant à rien face à un ennemi nombreux et caché.
A la guerre, celle qui a l'initiative a l'avantage. Je chargeai donc, sans engager tout mon poids cependant, sachant qu'elle allait surement esquiver, ce qu'elle fit sans difficulté.
Elle se mit à tourner autour de moi pour esquiver mes frappes, donnant par ci par là des coups trop faibles pour entamer mon armure. Ou du moins, c'est ce que je croyais, car, a posteriori, je crois qu'elle voulait se faire une idée des points faibles dans ma défense.
Sûre de mon avantage face à une adversaire trop faible, j'utilisai ma magie pour la geler sur place et lui placer un coup qui aurait du la trancher nette en deux. Mauvaise idée.
Non seulement elle se dégagea du piège de givre à une vitesse démesurée, mais en plus elle profita de l'occasion pour passer sous ma garde et me porter le premier vrai coup, entamant mon épaule malgré l'armure. La morsure des lames bénies brûla ma chair pâle comme la neige, et je fus forcée de reculer.
Elle s'acharna sur moi, cherchant une ouverture, et je réussissais pas à contre-attaquer. Je reculais, je reculais, jusqu'à ce qu'un arbre m'en empêche. Je retrouvai alors un réflexe de mon ancienne vie de forestière : puisque le combat au sol me déservait, autant le poursuivre dans les airs : je sautai sur une branche solide alors qu'elle s'apprêtait à me donner le coup final.
Elle me suivit avec un sourire aux lèvres, ce qui était compréhensible : parmi les branches, ma lourde épée était plus un fardeau qu'une arme, et je ne pouvais plus que contrer son harcèlement. C'est alors que je fis une erreur.
Avant, dans les forêts de Quel'thalas, je sautais de branches en branches pour tendre des embuscades aux bandits. Là, la situation était un peu différente, mais je sentais que je pouvais sauter dans les branches de l'arbre voisin pour me dégager, car je savais que j'en étais capable. J'avais omis un détail : mon armure de l'époque pesait six à sept fois plus lourd que la légère armure de mailles elfiques que je portais du temps de mon service à Quel'thalas.
La branche sur laquelle je devais me réceptionner céda sous mon poids, et ma chute fut suivie de celles d'objets plus lourds. Des fruits, des feuilles, des branches, et même une Kaldorei et ses dagues.
Le coup était bien trop puissant, et il m'aurait tué directement si je n'avais pas gelé mon corps. Néanmoins, la blessure était mortelle, et j'allais mourir si rien n'était fait...