[Bg Humaine] Calista Dalmaria

Gludin, dans les quartiers Est

La nuit est sombre, la salle de balle est immense et silencieuse. Le corps étendu en plein milieu de celle-ci est encore chaud, mais à chaque seconde qui passe il se refroidi et devient plus rigide. La mort est passé ici, le bourreau à fait son office... Maladroitement écrit dans le sang on peut déchiffrer « Excuse-moi ».

Le jour vient doucement éclairer le pitoyable spectacle, lui donnant sa dimension morbide, surtout pour la fillette qui descend tranquillement les marches du grand escalier de la demeure familiale. Si elle avait su… Enfin, ce n’était pas non plus en restant la tête sous les couvertures que les choses s’arrangeaient. Mais pour elle le choc est rude, d’abord sa mère il y a 2 ans, emportée par la fièvre, et le sort qui s’acharne en tuant son père, la laissant seule maîtresse des possessions familiales qui sont en fragile posture.

L’enterrement fut bref, le cercueil est simple, à peine plus que quatre planches. Le pauvre homme méritait quand même mieux, mais les vautours sont déjà là, flairant le sang, les vampires financiers se frottent déjà les mains, une affaire vacillante aux mains inexpérimentées d’une enfant, l’occasion est trop belle. Ils n’ont que faire de la peine, ils s’en servent même comme une arme, pour eux tout est moyen à s’enrichir encore et toujours plus.

Elle est ruinée. La constatation est courte, mais limpide, malgré tout ce qu’elle a essayé de faire pour sauver ce qu’elle pouvait, sans grand succès, les rapaces de toute espèces sont souvent retors. Il ne lui restait que la maison, et encore, sans meubles, et, sans argent pour l’entretenir la vaste bâtisse était plus que lugubre. Le plus vieux serviteur de la famille, Eldric, était resté veiller sur l’enfant qui grandissait et faisait face à la situation avec stoïcisme, elle en avait besoin. Même si le masque se craquelait et les larmes coulaient le soir…

La discussion qui allait changer le cours des choses eut lieu un soir.
- « Je veux partir ! »
- « Pourquoi ? Vous ne trouvez pas que vous avez assez de problèmes comme ça ? »
Soupir de la jeune femme.
- « Que je reste ou que je parte le résultat sera le même de toute façon, ils n’auront de cesse de nous mettre sur la paille. »
- « Il ne reste que vous pour leur faire barrage pourtant… »
Rire amer.
- « Et quel barrage… Ouvres les yeux, nom ou pas ils m’ont déjà tout pris de plus précieux ! »
- « Fuir est lâche Demoiselle, je ne dis pas que je ne comprends pas votre envie, mais ce que vous projetez reste une fuite. »
- « Alors je reste assister au naufrage de la famille souriante et enjouée ? Je vais même garnir la chose d’un de ses porcs ? »
- « Bien sur que non Demoiselle… »
- « Je ne vois pas ce que je pourrais faire de plus. »
Le vieil homme hoche doucement la tête
- « Bien qu’il en soit ainsi… Où donc irez vous Demoiselle ? »
- « Je ne sais encore. »
- « Vous voulez bien me suivre ? »

Curieuse la jeune fille suivit le vieux majordome dans les échos de la bâtisse. Arrivé devant une pièce vide depuis des lustres il tira une clé rouillé de ses poches avant d’ouvrir la porte. La pièce était vide, mais la cache dans le plancher contenait toujours le paquet, il déroula religieusement la toile huilé qui entourait l’épée avant de présenter celle-ci garde tendue vers Calista
- « Une arme ? Mais je ne sais pas me battre. »
- « Je vous enseignerai quelques tours. Vous en aurez bien besoin je gage… »
Elle contempla l’arme et le vieil homme avant de rire nerveusement.
- « Joli piège, je suis obligée d’accepter et de rester là quelques semaines supplémentaires. »
Le majordome eut un fugace sourire mais ne répondit rien.


Quelques années plus tard, dans les étendues sauvages au Nord de Giran.

Me revoici, j’ai bien changée depuis que j’ai quitter Gludin, des rencontres, une voie à suivre, un espoir, c’est un peu la somme de tout cela qui me fait avancer encore, j’ai souvent envie de m’arrêter, de rester sur le carré de terrain que j’occupe et de pleurer. Mais les paroles d’Eldric me reviennent alors en tête « Ce n’est pas une voie à emprunter à la légère, quand vous vous y engagez il faut la suivre jusqu’au bout. » et surtout son air de sombre résolution. La gamine qui a quitté Gludin lestée d’une vieille épée a heureusement changée. Une bonne année d’errance et d’entraînement avec les vieux amis, et les anciens apprentis d’Eldric m’a endurcie, c’est le moins qu’on puisse dire… Depuis maintenant 2 mois je parcours les terres au sud de la vallée des dragons, je cherche quelque chose ou quelqu’un… Vorran m’a dit de chercher ici, c’est dur à expliquer mais je sens que je suis proche du but, pas très logique comme raisonnement je l’avoue… La végétation est maigre, quelques touffes d’herbes, quelques arbres rabougris. Le vent oblige tout à rester près du sol dans la région, le terrain accidenté est couvert d’une herbe rêche et résistante pour supporter les journées caniculaires et les nuits glaciales. Avec un peu de sable, le coin donnerait un désert très acceptable. Je me remets une dernière fois en marche pour la journée, le décors monotone me porte de plus en plus sur le système mais je m’astreins au calme, c’est pas en fendant le vent ou des touffes d’herbe de mon épée que les choses seront plus roses...

Un nouveau jour à battre la campagne si on peut qualifier ainsi les collines rases qui m’entourent une vague impression de déjà vu se dégage du paysage. Etrange… C’est au détour d’un ravin que je suis tombée dessus. Une panthère noire comme le cœur d’un usurier, elle tournait en rond, marquant son territoire ou attendant. L’instant m’a paru s’étirer des heures, dur à expliquer, mais j’ai su dès que j’ai vu le félin que j’étais devant le but de mes recherches, la sensation de vide qui m’habitait depuis mon départ de Gludin était partie. Nous sommes longuement restées face à face nous regardant droit dans les yeux, le regard émeraude de la panthère était intelligent, j’avais l’impression d’être comprise et plus important de comprendre moi aussi.

Nous avons passé plusieurs jours restant quasiment face à face pendant de longues périodes sans bouger un muscle. Je communiquais, mais sans utiliser des mots, les regards sont plus expressifs et surtout un regard ne ment pas. J’avais du mal à penser à l’animal comme à une entité propre, pour moi, elle était moi et j’étais elle. J’avais rencontrer la moitié qui me manquait, je devenais une personne complète. Mais bâtir la relation allait être long, d’un commun accord nous avons laissé derrière nous le pays accidenté pour revenir vers Giran, le voyage nous pris plus de temps que nécessaire nous flânions beaucoup apprenant à nous coordonner efficacement.

Evitant autant que possible les humains et toutes les autres races qui se disaient civilisées nous sommes allés nous enterrer dans la Forêt des miroirs. Nous y avons vécu plusieurs années ensembles, coupées du monde évitant le rares visiteurs, n’allant qu’une fois de temps en temps voir le grand tigre des chutes des Anges. Ma compréhension de ma compagne était plus fine de jour en jour, et la réciproque était vraie, chacune « déteignait » sur l’autre…

Nous avons fini par nous extraire de la routine, nous sommes revenues vers le monde dit civilisé, pourquoi je ne sais trop, l’affronter, lui faire payer peut être. Qu’importe après tout.