Le réveil de Zariche

Spoiler:

Le monastère du Silence. Nom quelque peu abusif à cet instant. Magnus a affirmé qu'il y avait quelque chose à récupérer là-bas. Non, certes, il n'est pas devin, mais il a une certaine intuition tout de même. Nous nous y sommes donc rendu, lui, Nienna – elle a tenu à m'accompagner cette fois, et moi. Voilà déjà un quart d'heure que nous avançons, lentement mais sûrement, dans les couloir de l'abbaye. Nous n'avons pas réellement la bénédictions des habitants des lieux pour cela, mais Magnus s'occupe de ce problème là à merveille.

Nidhagg a voulu partir au monastère du Silence. Une idée de Magnus, a-t-il dit. Je l'ai cru, bien sûr, sur parole. Je le crois encore, d'ailleurs. Toujours est-il que j'ai eu envie de l'accompagner. Cela faisait longtemps que je ne m'était pas défouler, et puis, Eliand'hir avait dit il y a quelques jours qu'Elysia lui avait réclamé des matériaux pour son chantier. Et puisque je me suis entraînée à cela, autant lui donné un coup de patte de main. Nous avons avancé un peu dans ce lieu étrange, à l'atmosphère pesante, supposé empli d'anges mais toujours occupé par une présence maléfique, discrète, quelque part.

Je viens de me rendre compte d'un détail surprenant. J'ai l'impression que le motif des ailes de Magnus est un peu différent de d'habitude. C'est étrange, enfin, c'est sûrement juste une impression, une sorte d'illusion d'optique, je suppose. D'ailleurs, je n'ai pas le temps de penser à ça, voilà un nouveau "moine" qui semble décider à nous forcer au silence éternel.

Encore un qui n'a pas compris que c'était inutile de nous foncer dessus. Enfin, tant pis pour lui. Tout ce sang m'excite horriblement. Voilà un quart d'heure que je fouille les tripes de ces créatures (humaines ? J'en doute fort) pour trouver des morceaux de métal et autres babioles – d'ailleurs, il faudra que ce nain m'explique comment balancer cette poudre sur les ennemis peut bien permettre de trouver ce genre de trucs dans leurs boyaux ... enfin bon – et je commence à avoir le goût du sang dans la bouche. J'ai envie de me laisser aller, mais je ne peux pas, je dois continuer ce manège. Mais quelque chose me caresse les narines.

Celui-ci semble plus résistant que les autres. C'est étrange, il ne semble rien avoir de particulier pourtant. Ce n'est même pas un champion, les champions sont en général plus grands que la moyenne, et ils ont une aura particulière. Là, il n'a rien de tel. Il encaisse juste mieux les coups. Pourtant, Nienna se lâche. Je l'ai rarement vu user de sa lance avec autant de férocité. C'est vraiment étrange comme dans ces moments, je la trouve plus belle encore. C'est peut-être même inquiétant. Enfin bon. Ce monstre commence enfin à faiblir. En même temps, elle vient de lui couper un bras ...

Je la sens. La faim. C'est ça qui est en train de me gagner. Ça ne m'était jamais arriver ici, pourtant. Les créatures humanoïdes ne me donnent pas faim d'habitude. Un semblant d'éthique qui se ballade au fond de mon âme, sûrement. Mais là ... Je me lèche les babines. Celui-ci est plus fort, et il a une odeur particulière, tellement séduisante ... un peu sombre, comme une petite touche de noirceur qui rend la chose tellement plus attirante. Je veux le tuer, celui-là. Et ensuite, je ferais ce que j'ai fait avec tout les autres. Je m'en lèche déjà les lèvres.

Voilà, enfin ! Il tombe par terre. Mais en voilà déjà d'autres qui arrivent par derrière. Je me retourne, rapidement, et Magnus fonce sur ces nouveaux arrivants. Il engage le combat. Je sens une aura étrange, elle remplit tout d'un coup le couloir. Une aura sombre. Noire même. Affamée. Démoniaque. Je crois que je la reconnais. Non, pas ça ...

Enfin ! Enfin, tu es mort, petite chose ! Livre-moi tes entrailles maintenant ! Tu me donnes faim ! Tellement faim ! Je plonge ma main vers ton cœur. Mais c'est étrange. Ce que je sens sous mes doigts ne ressemble pas à ce qu'il y a d'habitude. C'est glacé et brûlant à la fois. Ça vibre contre ma peau. C'est tellement attirant ! Je dois l'attraper. Je dois la prendre ! Et j'ai tellement soif ! Ça ressemble à la poignée d'une épée. Je la saisis. Et là, je la sens m'emplir. Si chaud. Je vais enfin me nourrir, la nourrir. Et puis plus rien.

Magnus vient de disparaître ! Là, comme ça, d'un coup, il n'était même pas blessé ! Je l'ai juste vu se retourner, regarder derrière moi et puis... il y a eu une lueur dans son regard. Une lueur effrayante. Je me retourne. J'espère que ce n'est pas ce que je crois. Et pourtant si. Nienna n'est plus là. Ou plutôt, ce n'est plus vraiment elle. C'est Zariche. Juste là, devant moi. Sa présence semble emplir le monastère tout entier. Comme si la lumière avait fui l'endroit. Et je suis seul. D'un côté, les gardiens du Silence, de l'autre, la créature, l'Épée. Des anges et un démon. Et moi au milieu. Je sais que j'ai des parchemins bénis dans ma poche, mais ma main refuse d'aller les chercher.

Enfin ! Enfin, me voila de nouveau libere ! Cela faisait si longtemps que j'attendais ... Et cet hote est parfait, en plus. Presque aussi assoiffe que moi. Je veux du sang ! Et ces anges, la, partout, ils me repugnent ! Je veux tuer ! Tout ! Cet elfe aussi ! Il est puissant, je le sens, mais il ne pourra rien faire, et ca n'en sera que plus plaisant. Ne t'y opposes pas, Louve ! Tu ne peux rien y faire !

Nidhagg ... non ... non, je ne veux p—

Il arrive. Je n'arrive pas à bouger. Est-ce lui qui m'a paralysé ? Je n'ai pas le temps d'appeler une licorne. Ni rien d'autre, d'ailleurs. Il est déjà tout prêt. Il lève son épée. Un seul grand coup, circulaire. Un, deux ... deux corps coupés en deux. Et le geste continue. Un troisième ... un quatrième. Je serais le cinquième. Mais j'ai de la "chance", chaque nouveau corps traversé fait perdre un peu de vitesse et de puissance à son coup. Je ne vais sûrement pas finir en deux morceaux. J'ai le temps de mettre mon bouclier en opposition. Le choc est affreux. J'entends et je sens les os de mon bras se briser sous l'impact, mais le bouclier tiens bon. Il ne cède pas. Mais je ne vais pas rester en vie pour autant. Je suis projeté contre le mur. Mes omoplates, mon bassin ... tout se brise. Je retombe au sol. J'enfonce ma main dans ma poche, je déchire quelque chose. Puis le noir.

Keleeeeem !!

Il est mort, petite louve ! Il est mort ! Aha ! C'est si bon ! Et en voila encore ! Il y en a partout ! Aha ! Tuer, tuer, tuer ! Du sang, encore du sang ! Vous ne pouvez pas vous defendre, vous êtres trop faibles !

Je vais être obligé d'intervenir ? Moi-même ? Mon monastère est bien souvent perturbé, mais là, cela dépasse les bornes. Il y a des êtres que je ne peux tolérer chez moi. Regarde-moi, Zariche. Tu sais qui je suis, non ? Oui, sûrement. Je suis le Maître des Splendeurs. Je suis Anais. Et tu vas sortir de chez moi, car tu sais que tu ne peux pas me battre. Pars !

Kelem ...

Non ! Non, non, non et non, je n'ai pas fui ! C'est juste que j'en avais assez de cet endroit ! Je veux aller ... a Rune ! Oui, voila, Rune c'est tres bien. C'est un peu loin, mais c'est bien. Et puis je vais passer par la vallee des Saints. Comme ca, je vais pouvoir en massacrer, des anges des Splendeurs. On ne provoque pas impunement Zariche ! Tu vas voir ce que je vais faire de tes petits copains, Anais ! Je vais me baigner dans leur sang !

J'ouvre les yeux. Une vague lumière me parvient, puis tout devient peu à peu plus clair. Je suis dans une petite pièce, allongé sur un lit. Je reconnais sur les murs les armoiries de Rune. J'ai un plâtre au bras gauche, et des bandages sur tout le corps. Je dois être au temple, j'ai dû être soigné. J'ai donc bien réussi à utiliser un parchemin, en fin de compte. Ma mémoire cependant est floue. Que s'est-il passé, exactement ?

Kelem ...

J'en ai assez. Je m'ennuie ici, je vais continuer vers Rune maintenant. En passant par la foret de la Mort, ca peut etre amusant ca, la foret de la Mort. J'y trouverai peut-etre des confreres. Et je les massacrerai comme tout le reste ! Aha ! Rien ne peux me resister ! Je tuerai encore !

Voilà. Tout est clair, tout est revenu, d'un coup. Je ne peux pas rester ici. Je dois la chercher. Tout de suite. Les prêtres de Rune sont drôlement efficaces. Je me lève. Je sors de la chambre. Je le montre dans mon regard : ne m'empêchez pas de sortir. Je suis dehors. Où est-elle ? Je dois la trouver, mais comment ?

KELEM !!! KELEM !!!
Silence ! Ferme-la, Louve ! De quel droit oses-tu parler ? Je te domine ! Je suis toi ! Tu n'es plus rien ! Rien de plus que mon serviteur pour le restant de tes jours !

Je l'ai entendue. Je suis sûr que c'était elle. Je sais où elle est, maintenant ! J'arrive, mon Amour. Magnus ! Reviens, j'ai besoin de toi ! Reviens, maintenant !

Je viens, je viens, Nidhagg. Qui a-t-il ? Pourquoi es-tu si pressé ? ... Et pourquoi es-tu dans cet état ?
Pourquoi suis-je dans cet état ? Tu te moques de moi ? Pourquoi es-tu parti en plein milieu du combat, surtout ! Pourquoi tu nous as envoyé là-bas aussi ? Ce n'est tout de même pas cela que tu voulais qu'on trouve ? Ce n'est quand même pas cela que tu voulais qu'il arrive ?
Calme-toi, calme-toi, Nidhagg ! Depuis quand me parles-tu sur ce ton ? Et de quoi parles-tu ? Cela fait trois jours que tu ne m'avais pas invoqué.
Trois jours ? Mais ... mais non, enfin ... c'est toi qui est venu à moi, il y a deux heures à peine ... qui m'a dit d'aller au monastère du Silence ... on y est aller ensemble ... et tu ... et tu ...
Explique-moi tout, Nidhagg.

Rhaaaa, mais lachez moi ! Especes de larves ! Vous etes attires par ma puissance comme des moustiques par la lumiere. Ais je ne veux pas de vous ! Vous n'etes rien, vous etes faibles, vous etes des erreurs ! Vous n'etes meme pas des demons ! A peine des morts-vivants, des vampires de bas-etage et des goules ! Qu'importe le nombre de fois que vous viendrez, je vous decouperai ! Vous me ralentissez ! J'ai dit que je voulais aller a Rune !

Je comprends ... je comprends, Nidhagg. Ce que je ne sais pas, c'est comment une créature qui me ressemblait autant a pu apparaître. C'était sans aucun doute un serviteur de Zariche qui t'as tendu un piège ... Ce n'est pas de ta faute. Maintenant, allons régler cette histoire. Zariche fait beaucoup de bruit, mais il n'est pas si puissant que cela. Ce ne sera pas la première fois que je l'affronterai. Et puis, tu seras avec moi cette fois. Ce n'est pas une aide négligeable, même blessé, tu es toujours autant capable de lancer des sorts.

Nous voilà donc en route, à travers la forêt de la Mort. Je me suis fait abusé, dupé, piégé par ce simulacre de licorne. Je m'en veux tellement de n'avoir pas su m'en rendre compte ... Mais maintenant, je sais ce que j'ai à faire. Nous approchons, je sens ton odeur. Je vais te sortir de là, Luin. Ne t'inquiètes pas.

Tiens ? Mais si c'est pas le petit elfe de tout a l'heure ! Il est encore vivant ? C'est dommage ... Ou plutot non, tant mieux ! Je vais pouvoir recommencer a m'amuser avec lui ! Je ne le raterai pas cette fois !

Kelem ... non ... fui ... laisse moi ...

Zariche ! Tu me reconnais, n'est-ce pas ? C'est moi que tu vas devoir affronter. Ça va faire la troisième fois en deux siècles. La dernière fois, tu as gagné, mais ça ne se reproduira pas. Je vais t'écraser, cette fois. Et je libérerai l'hôte que tu as pris. Car je le dois à un ami.
Magnus ! Aha ! Mon bon Magnus ! Tu me manquais ! Aha ! Tu veux encore mourir ? Tres bien ! En garde !

Ne faîtes pas ça ... je ne veux pas vous blesser ...
Silence ! Ferme la ! Je t'interdis que gacher ma fete !
. . .

Voilà. C'est le moment. Je te donne toute la force que je peux, Magnus. Tu dois le battre. Mais je t'en prie, ne blesse pas Nienna.

J'ai le dessus, Zariche ! Regarde, regarde approcher ta défaite ! Je te domine, tu ne peux pas me blesser !
Tais-toi ! Tais-toi, tais-toi, tais-toi, tais-toi, tais-toi, tais-toi, tais-toi !! Aha ! Je t'aurai ! Bien sur que je t'aurai ! Je suis Zariche ! Je ne peux pas perdre ! Et meme si je perds, je ne peux pas mourir ! Je reviendrai ! Je reviendrai, Magnus ! Et je te tuerai une bonne fois pour toute ! Aha ! Aha ! Aha ... Ah ... ah . . .

Ça y est ! Son armure se fissure, elle est en train de céder ! On l'a fait ! Elle se disloque, là, sous mes yeux. Elle tombe en morceaux, et les morceaux tombe en poussière. L'épée tombe au sol. Et Luin est là. Inconsciente. Mais elle n'a pas l'air blessée. Je la prends dans mes bras. On rentre, mon Amour. C'est fini.

Voilà ... c'est fait ... une fois de plus. Je commence à comprendre comment fonctionne sa relation avec son hôte. J'ai réussi à ne pas la blesser elle. C'est un soulagement et une satisfaction. Et lui ne regarde même pas l'Épée. Je crois qu'il ne l'entends même pas. Il tiens vraiment ses promesses.

Youhou ! Petit elfe ! Regarde-moi ! Je suis belle, non ? Je peux te faire avoir tout ce que tu as jamais reve de posseder ! Tu as juste a m'empoigner ! Oh ! Bordel d'oreilles pointues ! Regarde-moi ! Je te parle ! Tu vas me regarder oui ! Et vous la ! Morts-vivants de mes deux ! Vous avez meme pas assez de cervelle intacte pour comprendre ce que je raconte, je suis sur ! Des larves decerebrees ! Mais bordel, qu'est ce que je fous la ?! Je vais quand meme pas rester ici ! Je veux pas ! Je veux pas dormir un siecle de plus ! Que quelqu'un vienne !
Tu as perdu, Zariche. Tu vas rester ici. Et la prochaine fois que tu feras des tiennes, je serai encore là, et encore une fois je te jetterai au sol.

Nous rentrons, Nienna. Nous rentrons.

» La lame maudite : Le "Zariche" (Ancienne chronique)