Cette jeune fille rousse étendue de tout son long sur le sable de la plage de l’Île Parlante, c’est Tallulah Sham-Eko, ou plutôt Tallulah, d’après elle. Elle ignore encore qu’elle est arrivée là, inconsciente. Un fin sourire victorieux étend ses lèvres, elle semble paisible et plongée dans un profond sommeil.
Avant, c’était une orpheline dans un village perdu de l’autre côté de la mer. Elle a vécu seule dans ce village, simplement aidée au début de sa vie, puis abandonnée quand elle a été jugée en âge de se débrouiller seule, ce qui équivaut là-bas à 6 ans, 7 tout au plus.
Les pensées suivantes nous viennent directement de Tallulah.
Je me souviens. Je survivais en volant à droite, à gauche. Et j’ai vécu comme ça pendant une année. Jusqu’au jour où je suis tombée sur un marin, ou plutôt un pirate, qu’il disait. J’ai manqué de passer un sale quart d’heure, ce jour-là. (On entend un rire cristallin, appartenant probablement à une toute petite fille)
Et puis il m’a recueillie contre ma volonté, mais je me suis rapidement prise d’affection pour lui. C’était un peu comme mon père adoptif. Et puis nous avons commencé à « travailler » ensemble. Plus je grandissais, plus j’étais efficace, d'après lui. Il disait qu’un « joli petit bout de femme comme moi pouvait faire craquer n’importe quel imbécile ». Et moi, je souriais, je m’occupais de retenir l’attention, et lui, il volait. Et nous en riions, le soir, quand nous rentrions au bateau. Ces quelques années ont été les plus heureuses de ma vie. Je m'amusais à manipuler des imbéciles qui se pensaient supérieurs à moi, sans même qu'ils ne s'en rendent compte, sur le coup. Et le retour à la réalité était toujours brutal. Alors parfois, je devais faire le sale boulot moi-même. C'est en partie à cause de ça que Sheanim m'avait appris à manier la dague. Et ça m'avait tellement plu que je m'entraînais sans relâche pour devenir toujours plus rapide. Et plus les années passaient, plus je devenais une femme. Alors ces crétins d'hommes étaient encore plus influençables. Je remplissais n'importe quel travail avec brio, selon Sheanim. Et puis un jour, j'en ai eu marre de devoir manipuler les gens pour survivre. Et lui l'avait compris depuis longtemps.
Et je me rendais compte que quelques années s’étaient passées comme ça, sans que je n’y prêtre vraiment attention. Alors j’ai voulu partir, mais il s'est produit quelque chose à quoi je ne m'attendais pas vraiment, et…
Un blocage ? Quoi qu’il en soit, nous sommes de retour sur cette plage.
Tallulah est toujours là, étendue. Et elle ne tardera pas à se réveiller pour explorer le nouveau continent sur lequel elle a déboulé au hasard, et sans vraiment le savoir. Elle « chassera », comme elle a l’habitude de le dire.
En révéler trop ici serait bien dommage. Alors, à ceux qui la rencontreront, « bon courage ».