[Métisse Elfe/Sombre] Aebeth Dal Nareïn

D’un coup de dent sec je sectionnais le fil après avoir serré le nœud de façon à ce que cela reste en place. La blessure que m’avait infligée l’homme-lézard lui avait été fatale, après tout s’il ne m’avait pas attaquée probablement l’aurais-je laissé cheminer en paix, mais son instinct l’a poussé à agir à l’encontre de son intérêt. J’observais ma cuisse d’un œil suspicieux, celle-ci était, outre ses reflets bleutés naturels, agrémentée d’une teinte violâtre là où la lance du reptilien m’avait frappée. Je priais aussitôt Shilen pour que cela ne soit que dû au choc et la perte de sang qui s’en était suivie, et que les onguents que j’y avais appliqués suffisent à éloigner le moindre risque d’infection. Dans un soupir je me relevais, remerciant la Sombre qui m’avait offert le nécessaire de soin, laquelle ne me retourna en échange qu’un regard méprisant, signe clair que ma présence la gênait. Je pris donc la direction de la sortie et, une fois dans la rue, levais les yeux vers le ciel nocturne.

Les astres y scintillaient et semblaient masquer leur lumière aussitôt que mon regard s’y posait. Cette pensée me pressa le cœur mais mon visage conservait son expression de fierté qui lui était propre. Le poing serré je reprenais ma route vers la plus proche auberge, dans l’espoir qu’on ne m’y dérobe pas cette fois mes effets personnels dans mon sommeil, si bien entendu on y acceptait de me louer une chambre. C’était ainsi chaque soir depuis que j’avais quitté Eithel pour les terres des Sombres. Certes la coloration de ma peau me permettait de fouler leurs cités, mais mes origines ne me valaient aucune considération de leur part, et lorsque je n’attisais pas leur mépris, ils prenaient soin de faire preuve d’une indifférence totale envers moi, me laissant pour seuls interlocuteurs les murs de la taverne ou de l’échoppe. Shilen, que je ne me permettais d’appeler Mère malgré le désir brûlant d’être perçue comme sa fille, m’avait, elle, acceptée, probablement suite à mon rejet total de mon sang paternel et à mes innombrables prières en son nom.

Cette nuit les choses semblaient se dérouler relativement bien, ma blessure à la jambe s’était en à peine une dizaine de minutes lassée de titiller mon système nerveux de messages de douleur, un elfe sombre m’avait salué d’un signe de tête alors qu’il semblait cuver le contenu d’une bouteille vide qu’il tenait encore à la main, et je n’avais pas reçu de caillou derrière la tête de la part de jeunes voyous. Un très bon bilan. L’idée me prit d’ailleurs d’aller un moment au temple, prier Shilen en remerciement pour tout cela. Tout en lui louant ma gratitude et ma fidélité, ma servitude et ma dépendance, mon esprit acceptait peu à peu qu’un jour mon sang mêlé me vaudrait d’être traité comme une pâle à part entière et que la déesse, que je célébrais et au nom de laquelle je faisais couler le sang de nos ennemis, ne retiendrait pas ses enfants de me faire subir les pires tourments. Aussi étrange que cela puisse paraître, savoir cela renforçait ma ferveur.

Je me relevais et quittais lentement le temple, sous l’œil toujours aussi suspicieux des Sombres que je croisais, pour finalement trouver une chambre libre à l’auberge, au triple du prix annoncé au comptoir. Fatiguée je m’effondrais sur le lit, et mes dernières pensées furent pour mon équipement, posé à même le sol de la pièce, que j’espérais revoir le lendemain matin…