LE REVEIL
Le premier pas de Crane Noir vers son destin ne se fit pas par lui-même, mais avec l'aide de Kakaï qui était malgré son coeur de glace, soucieux de la santé de celui qu'il considérait comme un fils et qui avait tant de mal à s'intégrer dans la communauté.
Crane Noir devait devenir plus fort, physiquement et mentalement, il devait prouver aux autres orcs sa valeur au combat, la seule vraie valeur reconnue dans un peuple de guerrier. C'est ainsi qu'à l'âge de 15 ans, Crane Noir fut envoyé chez Brikurse, maître d'armes du village, censé initier l'enfant à l'art de la guerre. Crane Noir vit ici une tâche pénible mais était conscient que cette sorte de rite d'initiation ne pouvait que lui apporter quelque chose de positif.
Loin d'être un combattant aguéri, il avait le long de sa jeunesse, développer un gout pour les livres et la soif de connaissance. Il avait cherché en vain à connaitre ses origines et riait presque maintenant devant l'ignorance des Orcs qui le traitaient de Ragna (tribu ennemie traître). Il savait très bien qu'il n'était pas un Ragna, ces orcs grossiers qu'il avait parfois rencontré lors de ses balades jusqu'au plateau des immortels. Crane Noir s'évadait ainsi du village dès qu'il le pouvait, loin des regards moqueurs et se posait à l'ombre d'un arbre afin de lire. Il savait très bien qu'un orc se serait raillé de lui en le voyant ainsi, lui le "batard intellectuel" qui n'est bon qu'à récurer la chianli des porcs. En réalité son potentiel était tout autre. S'il n'avait pas été ce reclu du village, il serait surement apprenti shaman à l'heure qu'il est, où un tout autre savant orc. Il connaissait ainsi à travers ses lectures, les récits de contrées lointaines, là où vivaient les autres espèces : les humains, les elfes et les nains. Mais son savoir était limité aux seules oeuvres présentes dans la bibliothèque du village, endroit où il était obligé de se procurer les livres en secret, souvent à des heures tardives, là où personne ne le voyait. Il apprit donc à parler le langage des humains, mais n'en fréquentant pas son vocabulaire et sa diction étaient plutôt limités.
- Crane Noir doit quitté livres maintenant. Livres pas servir orc, seul force sert.
Du moins c'est ce dont il était persuadé en restant au village. Il abandonna donc ses livres pour servir Briskurse. Et c'est avec un plaisir certains que Crane Noir fit rejaillir la violence innée qui était resté enfouie, tant d'années au plus profond de son être. Il parcourait les plaines au sud du village, faisant voler les corps des créatures osant se mettre sur son passage. Les écrasant comme de vulgaires insectes, les cranes éclataient sous la pression de ses poings, le sang jaillissait en geyser des glottes tranchées, une pluie de fine perles écarlates retombaient sur son passage et quand une de celle-ci venaient atterrir sur les lèvres noires et charnues de ce monstre en puissance, il la dégustait du bout de sa langue, retrouvant ainsi toute la sauvagerie qui coulait dans ses veines.
L'odeur du sang avait réveillé en lui une soif qui ne faisait que grandir. Un pouvoir tel qu'une fois rentré parmi les siens, il finissait par en avoir peur. Comment était-il capable d'une telle agressivité envers les animaux alors que son premier amour fut la découverte de la lecture dans l'osmose de la nature environnante. Sa sensibilité relative d'orc s'estompait dès qu'il commençait à chasser, à tuer. Serait-il capable de faire de même envers un être humain? Où pire, envers un Orc? Cela lui traversa l'esprit mais il s'efforça d'effacer cette sombre idée de sa tête. Crane Noir était trop intelligent pour répondre aux insultes par la violence. Et c'est dans cette dualité qu'il compris qu'il était vraiment différent des autres. Quelques chose coulait aussi dans ses veines qui l'empêchait de réfléchir comme un orc. Une force qui faisait de lui un être torturé mais qui serait peut être son plus grand atout.
Kakaï suivait l'évolution de son "fils" et la personnalité ambigüe de Crane Noir ne passa pas inaperçue. Deux ans plus tard, Il commença à douter du bien fondé de son acte, celui d'avoir ramener un jour cet enfant au village. Il était si différent, détesté de tous qu'il finirait peut être par créer une discorde telle que cela pourrait mettre en péril son autorité. La vie commune des différentes tribu n'était déjà pas une chose aisée mais rajouter le problème de Crane Noir par dessus devenait carrément un défi. Il fit donc venir Crane Noir en privé afin de lui faire part de ses inquiétudes.
- Crane noir doit grandir plus vite, plus fort et doit être plus endurant. Plus de temps, situation difficile. Crane Noir doit quitté village. dit le Seigneur des Flammes.
Les paroles sonnèrent comme un glas dans l'esprit de Crane Noir, lui qui n'avait jamais reçu de reconnaissance en dehors du soutient de Kakaï. Son propre "père" l'abandonnait à présent. Mais le souhait de quitter le village ne furent pas les dernières paroles de Kakaï. Maintenant que Crane Noir était entrainé à combattre, il lui donna la consigne de trouver Gantaki Zu Urutu afin de l'initier à un art bien différent, celui du Kabart. Sans même se retourner Crane Noir parti en tendant tout de même l'oreille vers des mots qu'il n'oublira jamais:
"Lûkizub lut kul-uruk hai, nar nariin-narkû lab bugud, lut kul-Narbugud!"
- Mon fils tu appartiens aux Orcs, ne l'oublie jamais, ton nom sera Narbugud*!
*Narbugud: En Black Speech (langage Orc) il signifie "sans nom", "celui qui n'a pas de nom".