Epîtres Elfiques

Extrait des Epîtres Elfiques Idelva’n.

*A la place de la traditionnelle lettre envoyée, Layon, le père d'Eldena, reçut un poème en vers, écrit de la main tremblante de sa fille, mouillée de quelques larmes*

Eldena parvint enfin à Eithel. Sa démarche était peu assurée, et ses yeux tristes. Elle se dirigea immédiatement vers la demeure de son père. Elle n’avait pas annoncé son arrivée, et alla frapper directement à la porte du bureau de Layon, sans prendre le temps de déposer ses affaires.
Sa voix familière héla d’entrer, et Eldena fit jouer la poignée. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir sa fille, sur le seuil de la porte, son petit paquetage à la main et surtout, son air si triste !
Il se leva immédiatement pour l’accueillir, se précipitant vers elle tandis qu’Eldena, n’y tenant plus, éclata en sanglots dans ses bras.
La voix chaude et vibrante de Layon résonna alors :

- Ma chère enfant… que se passe t-il donc… ? Tes dernières lettres m’ont effrayées…

Eldena ne pouvait parler, ses sanglots lui coupaient le souffle. Il l’aida à s’asseoir et lui apporta un rafraîchissement, lui prodiguant des paroles de réconfort pour la calmer.
Alors, elle lui expliqua tout, depuis le début. Sa rencontre avec Solhan, son amour pour lui, encore vivace, et cette histoire avec Takak. Elle lui conta comment son amour l’avait quittée, la faute qu’elle avait commise, et son chagrin. Elle lui expliqua que son unique refuge se trouvait auprès de lui.
Layon écoutait les chagrins de sa fille avec non moins de peine, constatant tristement la réalité de la société humaine. Il était malheureux que sa fille l’ait découvert ainsi, mais l’acceptait avec toute la sage fatalité que l’âge lui avait apporté.
Elle le supplia de lui donner le moyen de reconquérir son bien aimé, mais Layon secoua tristement la tête.

- Eldena… que disaient ces yeux… ?

Pour toute réponse, de nouvelles larmes coulèrent de ceux de l’elfe. Layon soupira, et vint s’agenouiller auprès d’elle.

- Ecoute moi, maintenant. Sèche tes larmes, car il ne t’aimait pas autant qu’il le disait. La faute que tu as commise était une faute, certes, mais pas irréparable ni impardonnable. Il te faut oublier cet homme, désormais Eldena.

Eldena secoua la tête, faisant signe qu’elle ne pouvait ni ne voulait le faire. Layon se redressa, la surplombant de toute sa hauteur.

- Vas-tu cesser ces jérémiades, petite sotte ? Je refuse de te voir te morfondre ainsi, gâchant ton talent et ton temps à ces choses inutiles ! Cet homme n’est plus rien, désormais, oublies le ! Je te l’ordonne !

La jeune elfe était livide devant les ordres de son père. Mais elle comprenait, il avait raison. La douleur de sa séparation actuelle n’aurait rien été comparé à la perte de Solhan, lorsqu’il serait devenu un vieil homme fatigué, et elle, si jeune et belle encore. Elle savait bien que ce serait difficile, et Layon aussi. Mais elle n’avait pas le choix.

- Je veux que tu restes ici quelques temps. Lorsque ton cœur sera guérit, tu pourras retourner là-bas. Imprègnes toi de la présence de l’Arbre Mère, écoute le chant de l’eau. Mais oublies cet homme, oublies que tu l’as aimé, Eldena. Resplendit de nouveau, comme le soleil à minuit, redevient libre comme tu l’as toujours été…

A ces paroles, il fixa sa fille d’un regard emplit de tendresse, désireux de la mettre en face de la réalité pour qu’elle guérisse plus vite. Eldena regardait droit devant elle, sous le choc.
Layon demeura quelques minutes ainsi, puis quitta la pièce.

L’elfe passa beaucoup de temps autour du village, passant ses nuits au pied de l’Arbre Mère, priant pour que la pensée de Solhan la quitte, passant ses journées à errer sur le bord du lac, à écouter le chant de l’eau et des arbres. Et puis, elle rentra.

Eldena était étendue sur l’une des immenses branches d’un des arbres de la forêt, près d’Eithel. Une jambe dans le vide, elle était appuyée contre le tronc, songeant au moment qu’elle avait passé avec l’elfe. Elle se disait qu’elle avait même oublié de demander son nom, au fil de la conversation, qui s’était faite si naturellement.

Depuis qu’elles avaient conversé, Eldena se sentait mieux, bien, rassérénée. Depuis qu’elle était rentrée au village, et malgré les dures paroles de son Père, la douleur de sa séparation s’était atténuée. Elle commençait seulement de comprendre qu’aveuglée par sa propre douleur, elle n’avait pas vu celle de Solhan.
Elle était certaine que celui-ci ne voulait plus d’elle, mais sa douleur s’était amoindrie et elle se sentait capable d’aller lui parler et de lui faire ses excuses pour tout ce qu’elle lui avait fait subir. Elle résolu de le faire le plus vite possible.

Elle avait comprit qu’il était essentiel pour elle de se rendre régulièrement à Eithel pour se ressourcer, et ceci par une phrase qu’avait dite l’elfe :

« Eithel est une ancre dans l’océan du monde, elle demeure impassible, se laissant bercer par les remous du temps. »

Descendant de l’arbre, elle alla prendre ses affaires, et dit au revoir à son père. Celui-ci ne l'empêcha pas de partir, paraissant même heureux de la prise de conscience de sa fille. Après un dernier regard à l'Arbre Mère, elle reprit le chemin de Rune.

La scène qui venait de se produire avec épuisé Eldena. La recherche de Thiala, au pas de course avec Richard, n’avait pas été de tout repos, sans compter la peur qu’il lui arrive quelque chose.
Ils l’avaient finalement trouvée, blessée à mort sur un rocher, ayant perdu une grande quantité de sang, inconsciente. C’est en hâte qu’ils l’avaient ramenée à Rune, et confiée aux bons soins des prêtres de Rune. Eldena avait fait des pieds et des mains pour lui trouver un guérisseur très compétent.

S’en était suivie la colère sourde qu’elle avait ressenti contre Morathe, leur dispute et l’intervention du Roi qui s’était soldée par un évènement inattendu : le dernier avertissement de la Mage Noire.
Eldena avait alors regagné ses appartements, le corps vidé de son énergie. Elle avait grand besoin de se changer les idées, et aurait souhaité ardemment que Solhan soit près d’elle. Elle attendait avec impatience que la nuit soit complètement obscure, puisque c’était à ces heures ci qu’il avait l’habitude de rentrer, occupé comme il était.

Alors qu’elle traversait un couloir, elle aperçu la nourrice de Meleia, au même endroit que la dernière fois. Lorsqu’elle aperçu Eldena, son visage s’éclaira. L’elfe perçut de l’inquiétude sur son visage.

- Ah, dame Eldena ! Je suis contente de vous trouver. Savez vous où est sire Solhan ?

Eldena fit non de la tête, à regret. Dalila lui expliqua que sa fille était tombée malade et qu’il n’y avait personne pour la veiller, mais qu’elle se trouvait bien embêtée, ne pouvant laisser la petite Meleia seule.

- Je sais que ce n’est pas très orthodoxe, mais… est-ce que vous pourriez vous en occuper cette nuit ? Je reviendrais demain matin à l’aube, c’est promis !

Eldena sourit, ne considérant pas Meleia comme un fardeau, elle accepta. Elles entrèrent dans la chambre, Dalila lui expliquant diverses choses, avant de partir rapidement retrouver sa propre fille.
Eldena se pencha sur le petit lit de l’enfant, la regardant dormir. Elle la prit dans ses bras, rassembla quelques affaires et regagna sa propre chambre.
Couchant la petite dans le grand lit, elle s’assit au bord, n’en revenant pas du calme de l’enfant. Eldena, tout en contemplant le beau et tout petit visage de Meleia, pensait à son père, vers lequel s’envolaient ses plus tendres sentiments.

Elle resta ainsi un très long moment, finissant par s’endormir, allongée près de la petite, l’enlaçant doucement, comme si c’était sa propre fille.